D’après Lang EV. Lancet 2000
L’anxiété diminuait au cours de la procédure, avec une tendance plus marquée pour le groupe « hypnose ».
Chez les hommes l’ajout d’un simple soutien empathique (sans technique d’hypnose) permettait une réduction des doses médicamenteuse, et chez les femmes une diminution des scores de douleur et d’anxiété .
En l’absence de trouble cognitif, l’âge n’avait pas d’influence sur la susceptibilité à l’hypnose (« l’hypnotisabilité »), qui était évaluée par l’échelle Hypnotic Induction Profile – HIP. On n’a pas mis en évidence de lien entre l’hypnotisabilité et les scores de douleur et d’anxiété en fin de procédure, ni avec la consommation de médicaments. Avec l’hypnose, on obtenait un meilleur contrôle de la douleur et de l’anxiété, et plus rapidement, ainsi qu’une diminution de la consommation médicamenteuse, donc des désaturations en oxygène. La durée des soins était plus courte chez les patients sous hypnose. Ainsi, l’âge ne diminue pas les bénéfices d’une analgésie basée sur l’hypnose au cours de procédures percutanées. En réduisant la consommation médicamenteuse, l’hypnose est à même de réduire les risques de complications au cours du geste, comme la toxicité médicamenteuse ou les AVC auxquels les personnes âgées sont exposées.
L’évaluation de l’état d’anxiété des patients a pu être réalisée grâce à un score diagnostique : le State-Trait Anxiety Inventory (STAI) conçu par Spielberger CD. en 1980. Les patients avec initialement des scores d’anxiété élevés connaissaient des durées de soin plus longues, avec une consommation plus importante de sédatif et d’antalgique. Correctement identifiés, ces patients étaient ceux qui tiraient le plus grand bénéfice de l’hypnose.
L’exploitation de données vidéo rattachées à cet essai a ensuite permis d’associer des scores de douleurs plus élevés à l’emploi de mots et expressions chargées d’affects négatifs puis, plus tard, de définir des techniques de mise en relation soignant/soigné.
2 - En 2006, une étude concernant la macrobiopsie du sein guidée par l’imagerie (Mammotome®) s’est appuyée sur un schéma similaire avec 240 patients. Chez les femmes subissant cet examen, on notait déjà des scores d’anxiété élevés dès le début de la procédure, en lien avec la gravité potentielle du diagnostic et les contraintes de l’installation.Les scores d’anxiété augmentaient dans le groupe « standard », restaient stables dans le groupe « empathie », et diminuaient dans le groupe « hypnose ». Les scores de douleur étaient en hausse dans les 3 groupes, mais de façon moins marquée dans les groupes empathie et hypnose.
3 - La capacité de la relaxation hypnotique à diminuer les scores de douleur et d’anxiété au cours de procédures endovasculaires (cf. supra) a conduit Lang EV. et coll. à s’intéresser à des gestes plus invasifs : les traitements anti tumoraux percutanés, embolisations et ablations par radiofréquence, sur 201 patients.
En particulier, la recherche d’effet indésirables, voire de complications, portait sur les signes cardiovasculaires :
• hyper- ou hypotension artérielle
• tachy- ou bradycardie, arythmie
• hypoxie (désaturation <90%)
• douleur thoracique, dyspnée
L’hypnose, comme attendu, diminuait de façon significative la douleur et l’anxiété, mais la constatation d’une augmentation de la fréquence des complications dans le groupe « empathie », a dû interrompre l’étude. Manifester de l’empathie ne parait donc pas approprié dans ce contexte clinique. Par exemple commenter la situation en compagnie du patient peut conduire à un effet nocebo par l’utilisation de termes qui centrent l’attention du patient sur l’acte en lui-même, appelant des affects négatifs.
L’hypnose, à l’inverse, autorise le patient à dissocier ses émotions du contexte vécu.
Les interactions entre anxiété et douleur sont bien mises en évidence par ces travaux. Si la douleur provoquée par les soins est souvent décrite comme aiguë, nous avons ici des exemples de procédures diagnostiques et thérapeutiques qui ont des durées pouvant aller de 1h30 à 3h00.
Or les méthodes statistiques d’analyse en fonction du temps qui ont été utilisées dans ces études s’avèrent complexes, nécessitant des effectifs et des moyens importants.
Comme on le voit, il est impossible de généraliser les résultats d’une étude, même bien étayés, à des contextes différents. Comme nous le rappellent Lang EV. et coll. dans leur dernier article, il semble souhaitable de définir, en matière de douleur et d’anxiété, des paramètres valides, fiables et simples à recueillir. Ainsi, dotées d’outils communs, donnant des résultats comparables entre eux et adaptés aux méta-analyses, les équipes pourront évaluer efficacement leurs pratiques et les améliorer.
Sources: www.cnrd.fr
Pendant son opération d'une tumeur à la gorge sous hypnose, elle chantait
Imaginez une patiente opérée à gorge ouverte sans anesthésie générale, mais sous hypnose. Imaginez encore qu'elle ait chanté tout au long de l'intervention. C'est l'expérience à peine croyable qu'a vécue Gilles Dhonneur, chef du service anesthésie-réanimation à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), le 3 avril.
Il a filmé chaque seconde de cette scène hors du commun et s'émeut encore en visionnant les images.
« Cette femme de 31 ans, chanteuse professionnelle spécialisée dans les chants traditionnels africains, souffrait d'une tumeur de la glande parathyroïde, explique le praticien. Difficile, pour elle, d'imaginer perdre son outil de travail au cours d'une opération. » Car si un nerf était touché ou ses cordes vocales abîmées, sa voix aurait été irrémédiablement altérée. Alors, les équipes de Mondor ont fait un pari fou : celui de garder la patiente éveillée tout en la faisant chanter. Le chirurgien saurait alors si son bistouri était mal placé, parce que la voix serait coupée.
« Mais la douleur d'une telle intervention est insupportable en état de pleine conscience, affirme le docteur Gilles Dhonneur. Seule l'hypnose médicale permet de tolérer une telle épreuve. » Il en est d'autant plus sûr qu'il développe cette pratique à Créteil depuis deux ans déjà. Il a lui-même recruté les trois anesthésites-hypnotiseurs de Mondor. Mais jamais la technique n'avait été poussée aussi loin. « C'était sûrement une première mondiale », avance le chef de service.
Une fois au bloc opératoire, la patiente a subi une simple anesthésie locale au niveau de la gorge. « Pour endormir les tissus », précise Gilles Dhonneur. Ensuite, son voyage a commencé. « Elle est entrée dans une sorte de transe en écoutant les mots de l'hypnotiseuse. Elle est partie loin, en Afrique. Et elle s'est mise à chanter. C'était époustouflant ! » Le film montre un visage serein, les yeux clos.
Le titre interprété, aussi touchant qu'impensable, s'entend très distinctement. « Tout le monde a retenu son souffle lorsque cela s'est arrêté, se souvient le médecin. La patiente est restée aphone quelques minutes. On lisait la peur sur son visage. » Quelques manipulations plus tard, le filet de voix brisait le silence et la tumeur était extraite. « Elle se rappelle de tout, affirme Gilles Dhonneur. Elle raconte très bien son bonheur lorsqu'elle a pu reprendre son couplet. » La patiente miraculée, complètement remise, sera présente cet après-midi à Créteil pour une conférence exceptionnelle consacrée à la chirurgie sous hypnose. « Je l'ai invitée à chanter », sourit Gilles Dhonneur. Il animera en personne ce rendez-vous organisé dans le cadre d'une vaste opération grand public de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Brest. Opérée d'un cancer du sein sous hypnose et sans douleur
Durant son opération d'un cancer du sein, Georgette Brière était dans son jardin et regardait ses petits-enfants jouer ! Sous hypnose. Un excellent souvenir, après 13 anesthésies générales.
« J'étais tout de suite partante quand le chirurgien m'a proposé d'être opérée sous hypnose. J'y pensais depuis longtemps parce que j'ai vécu 13 anesthésies générales qui n'ont pas toutes été faciles. Je n'ai pas été déçue, la consultation, l'accueil et la prise en charge n'ont rien à voir. On vient vous chercher avec le sourire et tout le monde vient se présenter. Arrivée à l'hôpital à jeun à 7 h 30, j'étais rentrée chez moi à 14 h après avoir déjeuné, je n'étais même pas fatiguée ! En plus c'est idéal pour faire faire des économies à la sécurité sociale », s'enthousiasme Georgette Brière, 70 ans, l'une des 109 patients de l'hôpital Morvan qui ont bénéficié d'une prise en charge sous hypnose depuis mars 2012.
« Deux infirmières anesthésistes ont souhaité se former après avoir assisté à l'intervention d'un médecin anesthésiste rennais qui pratiquait l'hypnose », explique Françoise Mazé, cadre IADE (Infirmier anesthésiste diplômé d'État) au bloc opératoire.
Quatre infirmières formées
Aujourd'hui, quatre IADE et un médecin anesthésiste sont formés et pratiquent l'hypnose en différentes circonstances. Tous les actes chirurgicaux ne peuvent se faire sous hypnose, mais elle est possible pour la chirurgie simple du sein, la chirurgie plastique, ou pour accompagner des soins comme la curiethérapie, la ponction d'ovocytes chez les femmes en PMA (procréation médicalement assistée) ou en salle d'accouchement pour une pose de péridurale, ou la prise en charge des enfants à partir de 8 ans en pédiatrie. « Nous l'avons même pratiquée une fois lors d'un accouchement, la femme était arrivée trop tard pour poser une péridurale. Et comme elle avait bénéficié de l'hypnose pour une ponction d'ovocyte, on a pu réutiliser ce qui avait été prévu à ce moment-là », précise Laurence Duros, IADE.
L'hypnose suppose une consultation de trois quarts d'heure, au cours de laquelle le praticien va demander au patient de choisir un bon souvenir et de lui en raconter les détails pour le restituer au cours de l'opération. L'hypnose évite le passage en salle de réveil, moment où les patients souffrent parfois de nausées.
Au-delà des économies de produits anesthésiants pour le CHRU, les infirmières y voient aussi un avantage pour les équipes soignantes, en terme de cohésion (des études ont montré qu'il y avait moins d'épuisement).
Anesthésie locale
« Une perfusion est toujours posée pour pouvoir administrer une sédation. Ce n'est pas une anesthésie, la personne reste consciente, elle entend tout ce qui se passe. Une anesthésie locale permet d'éviter la douleur. Le patient est acteur et pas spectateur », indique Gisèle Laot, l'IADE qui a hypnotisé Georgette Brière.
« On a recherché la position la plus confortable sur la table d'opération. Puis Gisèle m'a pris la main et a commencé à me parler doucement des souvenirs agréables que je lui avais racontés. J'y étais, c'était vraiment formidable, j'étais complètement décontractée, je n'ai même pas fait de hausse de tension comme avant », ajoute Georgette Brière qui s'est réveillée après avoir pris une photo d'un coucher de soleil à Saint-Palais-sur-Mer.
Catherine Le Guen Le Télégramme de Brest