8 raisons d’essayer l’hypnose médicale - Dr Patrick Bellet
Ni magie, ni gadget, l’hypnose est un véritable outil thérapeutique. Arrêter de fumer, diminuer la douleur, éviter une anesthésie générale, de plus en plus de professionnels de santé l’utilisent. En ville comme à l’hôpital.
Officiellement enseignée à la faculté de médecine depuis 2001, reconnue comme une technique médicale par l’Ordre des médecins depuis 2005, l’hypnose médicale fait de plus en plus d’adeptes. À mi-chemin entre le sommeil et l’éveil, elle permet d’accéder à son inconscient et de le reconditionner. Ou plutôt de l’enrichir. On y arrive en fixant un objet, en évoquant un souvenir agréable ou par le biais d'une simple conversation. « L’hypnose peut être d’une grande aide pour les soignants, dans certains actes opératoires, dans des situations aiguës mais aussi dans les troubles chroniques et dans la relation au patient », explique le Dr Patrick Bellet (1), président fondateur de la Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves et organisateur du 20e congrès mondial de l’hypnose. Évidemment, l’hypnose ne se substitue pas aux traitements médicaux. Il s’agit plutôt d’une approche complémentaire globale qui en renforce les effets ou aide à mieux les tolérer. Et la bonne nouvelle, c’est que tout le monde peut entrer dans un état hypnotique (à condition évidemment de le vouloir) et que cet état ne présente aucun risque.
Diminuer la douleur
C’est l’une de ses grandes indications : l’hypnose permet d’abaisser le seuil de la douleur et de diminuer les doses de médicaments prescrits.
Comment ça marche ? Sa pratique module certaines zones spécifiques du cerveau (ce qui a été objectivé par l’imagerie cérébrale). Elle permet ainsi, en travaillant sur l’imaginaire via des jeux mentaux (déplacement de la douleur vers une autre partie du corps, dépôt d’un anesthésique virtuel, etc.), de réduire les connexions des nerfs périphériques responsables de la perception de la douleur.
Pour qui ? L’hypnose a démontré son efficacité dans les douleurs aiguës ou chroniques, notamment celles qui sont provoquées par les soins (en particulier chez les grands brûlés), l’accouchement ou les cancers. Elle donne également de bons résultats dans les douleurs qui résistent aux traitements classiques (migraine, mal de dos, douleurs neurologiques, rhumatismales, abdominales, etc.).
Arrêter de fumer
Cette thérapie est particulièrement adaptée aux troubles du comportement en général et aux addictions en particulier : tabac, cannabis, alcool, mais aussi gras, sucre, café, jeux, ordinateur...
Comment ça marche ? L’arrêt du tabac par hypnose vise à réduire la dépendance psychologique par des suggestions fortes : le dégoût du tabac avec l’association tabac-nausée par exemple, ou encore le plaisir de respirer, le désir d’être à nouveau libre. Une seule séance peut suffire.
Pour qui ? « L’hypnothérapie s’adresse à tous les fumeurs, peu ou très fortement dépendants, quelle que soit l’ancienneté de leur tabagisme », assure le Dr Jean-Marc Benhaïem (2), spécialiste de l’hypnose, président de l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale. Une condition : avoir pris la décision d’arrêter de fumer et être motivé.
Etre moins angoissé
L’hypnose peut être d’un grand secours contre le stress et tous les symptômes qui vont avec, des troubles du sommeil aux attaques de panique, en passant par les maux de tête, de dos, de ventre.
Comment ça marche ? Après une séance de 15 minutes, les hormones de stress comme l'adrénaline baissent de moitié. D’abord parce que l’hypnose a un effet relaxant. Ensuite parce qu’elle permet de restructurer ses pensées et de mieux contrôler ses pensées stressantes en fixant son attention sur une sensation, une image ou un lieu précis.
Pour qui ? « Le panel d’indications est très varié », indique le Dr Patrick Bellet. Stress, nervosité, angoisse, anxiété, mais aussi phobies, dépression, troubles obsessionnels compulsifs. « L’hypnose est également une bonne indication pour traiter les névroses post-traumatiques », ajoute le médecin.
Avoir une sexualité au top
Les troubles sexuels sont la plupart du temps causés par des facteurs psychologiques que l’hypnose médicale permet de comprendre et de dépasser.
Comment ça marche ? La stratégie thérapeutique repose sur l’imagerie (visualiser la possibilité d’une pénétration ou d’une érection par exemple) ou sur des suggestions indirectes type métaphores. But : désactiver les freins au désir et au plaisir, désamorcer l’obsession de l’échec à répétition ou de la douleur, voire reconstruire l’image de soi, en enlevant les pensées négatives (trop grosse, trop maigre).
Pour qui ? L’hypnose peut aider à traiter quasiment tous les dysfonctionnements sexuels féminins (vaginisme, frigidité, baisse de libido) et masculins (éjaculation précoce, impuissance), sauf quand ils ont une cause organique (diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, médicaments).
Améliorer la fertilité
Les bénéfices de l’hypnose dans la prise en charge de la stérilité par procréation médicalement assistée ne sont plus à prouver. Plusieurs études montre qu’elle augmente significativement le taux de grossesse et d’implantation par embryons.
Comment ça marche ? L’hypothèse retenue est celle de la diminution du stress et de la peur. Les suggestions hypnotiques aideraient en effet la femme à détendre l’utérus pendant le transfert embryonnaire et à se projeter dans l’avenir. Deux techniques sont le plus souvent employées : la visualisation (un champ que l’on prépare pour les semailles par exemple) et la futurisation (comme imaginer son bébé dans un couffin).
Pour qui ? Toutes les femmes qui ont des difficultés à avoir un enfant. À noter que l’hypnose peut aussi être aussi utilisée en préparation prénatale, en salle de naissance, en suites de couches ou pour soulager certains troubles gynécologiques (douleurs mammaires, vulvaires, vaginales, pelviennes, menstruelles).
Bénéficier d’une anesthésie légère
L’hypnose intègre peu à peu les blocs opératoires. Dans les hôpitaux, les cliniques et même les centres anti-cancéreux comme l’Institut Curie à Paris, qui l’utilise notamment pour ses opérations du cancer du sein. Elle permet d’éviter l’anesthésie générale, ses effets secondaires et ses complications.
Comment ça se passe ? L’anesthésie avec hypnose, ou hypnosédation, combine des techniques d’hypnose (le plus souvent la dissociation corporelle) à de faibles doses de sédatifs ou une anesthésie locale. L’opéré reste conscient, mais son esprit est ailleurs, focalisé sur un monde virtuel tellement profond qu’il ne ressent ni stress, ni douleur.
Pour qui ?L’hypnosédation est particulièrement adaptée aux patients fragiles ou présentant des contre-indications à l’anesthésie générale. Elle peut être proposée en cas de chirurgie non profonde (thyroïde, hernie, sein, etc.), d’endoscopie ou de radiologie interventionnelle.
Soigner ses problèmes de peau
L’hypnose marche aussi très bien en dermatologie. Elle contribue à traiter les lésions cutanées, et leurs conséquences (démangeaisons, troubles du sommeil, tensions).
Comment ça marche ? La technique hypnotique la plus employée est la suggestion. Mais ce n’est pas la seule. Quand elle ne suffit pas, il est possible de recourir à l’imagerie (avec l’application de crème virtuelle notamment). Les deux ont la même finalité : calmer les effets de la maladie de peau (notamment les démangeaisons), stimuler la cicatrisation en activant le système immunitaire, et réduire le stress et la sensation de mal-être qui vont souvent avec.
Pour qui ? Cette méthode peut contribuer à soulager bon nombre de maladies cutanées, à commencer par l’acné, l’eczéma, l’urticaire, l’herpès et le zona. Des études ont montré de très bons résultats dans le psoriasis et les verrues notamment.
Et pour les enfants ?
L’hypnose marche très bien aussi pour eux. Ils y seraient même plus réceptifs que leurs aînés. Comme pour les adultes, il s’agit de plonger l’enfant dans un état de rêverie approfondie, mais les techniques utilisées sont différentes, surtout chez les plus petits. Elles reposent en effet essentiellement sur la distraction (faire des bulles, gonfler un ballon, jouer avec une marionnette, écouter une histoire intégrant son univers de prédilection, etc.). « En pédiatrie, l’hypnose est indiquée à l’hôpital, pour la chirurgie, la pose d’une sonde gastrique ou d’une perfusion par exemple, mais aussi en ville, notamment en cas de cauchemars ou de « monstres » dans la chambre », explique le Dr Bellet. Ce genre de problèmes peut en effet être résolu en 2 ou 3 consultations avec des résultats visibles dès la première séance.
L’autohypnose : ça marche vraiment
L’état hypnotique est un état totalement naturel dans lequel nous entrons plusieurs fois par jour spontanément. On l’expérimente tous sans le savoir lorsque nous rentrons chez nous sans avoir réfléchi à la route à prendre par exemple. Autant dire qu’il est possible de se mettre soi-même en état d'hypnose. La technique s’apprend même assez facilement. Pour aller plus loin : « L’autohypnose, c’est malin », de Jean-Michel Jakobowicz (éditions Leduc).
(1) « L’hypnose pour réhumaniser le soin. Protéger, cicatriser, inventer », Odile Jacob
(2) « Le guide de l'hypnose », In Press.
Portrait d’Hypnothérapeute 5 questions à… Philippe Aïm - IFH
Suite à la parution de son livre « Ecouter, parler : soigner » , nous vous proposons une interview de Philippe Aïm, psychiatre et psychothérapeute, praticien hospitalier, créateur de l’Institut U.T.Hy.L. et intervenant à l’IFH. Il nous présente son parcours et la complémentarité de l’hypnose et des thérapies brèves.
Comment en êtes-vous venu à pratiquer l’hypnose ?
Par hasard et par curiosité ! Sur Internet, je suis tombé sur l’existence d’un intitulé bien étrange « D.U. d’hypnose médicale ». Comment des mots si sérieux, universitaire et médicale, pouvaient-ils entourer le mot « hypnose », pratique que je considérais presque charlatanesque ? Incrédule et béotien, sceptique et prétendument scientifique, je me suis virtuellement pris une baffe en écoutant parler un certain Roustang… J’ai entendu ensuite parler d’Erickson, de De Shazer…
La passion ne m’a plus quitté, j’ai continué à me former puis rapidement à former d’autres soignants.
Qu’est-ce que l’hypnose a changé dans votre pratique de psychiatre ?
A peu près tout ! La pratique de l’hypnose a infiltré la façon dont je menais mes entretiens quelque soit le milieu ou j’ai travaillé (unité fermée, ouverte, pédopsy, centre de consultations, psychiatrie de liaison, psychiatrie pénitentiaire, pratique de ville…). Elle m’a surtout appris à proposer une thérapie centrée sur les besoins et ressources du patient, à retrouver le corps dans la relation (ce que les « psys » oublient parfois !), à mieux communiquer…et à ne presque plus prescrire !
Vous proposez notamment un lien en pratique entre l’hypnose et les thérapies brèves. Comment chacune de ses approches peut s’enrichir de l’autre ?
De très nombreuses façons ! Tout d’abord, l’hypnose et les thérapies brèves (TB) c’est un peu la même chose. L’état d’esprit est le même, ce sont des conversations hypnotiques avec des outils de communications d’une grande acuité. Leurs fondateurs sont tous inspirés de ce mouvement d’idées né du rapprochement entre Erickson et Palo Alto. De ce fait, les approches sont parfaitement miscibles entre elles. Il est agréable pour le thérapeute d’avoir plusieurs cordes à son arc (cela finit par faire une guitare !).
En plus de l’attention au corps (et donc pas seulement aux psychisme) que permet l’hypnothérapie, les thérapies brèves ont développé, je crois, trois aspects majeurs : l’orientation sur les ressources plutôt que sur le problème (probablement le plus grand apport d’Erickson), l’importance donnée à la forme de la communication (plus qu’à une « connaissance psychopathologique ») pour que le changement survienne -le tout n’étant pas qu’un message soit énoncé mais qu’il atteigne son destinataire- et bien sur la dimension relationnelle, systémique, synchronique. De plus, les thérapies brèves nous donnent une stratégie, nous aident à définir des objectifs, une direction, à agir de façon thérapeutique en dehors de l’hypnose formelle et ratifiée. Elles nous éclairent sur ce qu’on fait en hypnose et enrichissent harmonieusement notre pratique.
Auriez-vous un exemple clinique illustrant ces apports réciproques ?
L’approche peut être intégrative (un problème, plusieurs approches conjuguées) ou complémentaire (l’outil différent selon la « partie du problème » qu’on aide).
Exemple intégratif : Disons qu’on vienne me voir pour un sevrage tabagique. Pour un même, « symptôme », les thérapies brèves m’aideront à repérer par exemple simplement le type de relation dans lequel le patient se place et de ce fait le type d’hypnose qui en découlera. En définissant comment s’oriente la motivation, quel est le meilleur objectif, la relation au problème… L’exercice hypnotique sera plus stratégiquement orienté. Dans les suites, les TB me permettront plus facilement de communiquer efficacement sur les ressources découvertes, qu’on pourra explorer et ancrer en hypnose, etc. C’est une pratique individualisée et dynamique.
Exemple de complémentarité : les symptomatologies complexes comme le traumatisme sont de bons exemples : gérer les flash-backs avec des mouvements oculaires, retrouver corps et sécurité en hypnose, raconter différemment son histoire avec le narratif, remodeler les relations familiales en systémie, trouver des ressources pour améliorer sa vie avec l’orientation solution… Les exemples sont infinis.
Dans votre ouvrage, « Ecouter, parler : soigner – guide de communication et de psychothérapie à l’usage des soignants » vous proposez un regard particulier sur la relation thérapeutique. En hypnose, quelles caractéristiques cette relation revêt-elle selon vous ?
La grande originalité de l’hypnose et sa force, Roustang comme Erickson le montrent bien, c’est de sortir de l’illusion de la neutralité. Le thérapeute n’est pas neutre, son influence est permanente ! A partir de là, que faire de cette influence ? L’éthique du soignant est fondamentale ! L’hypnose et les thérapies brèves acceptent ce fait (plutôt que de le nier) et tentent de l’utiliser au bénéfice du changement et de la thérapie (plutôt que de tenter de s’en défaire, de lutter contre). Donc communiquer activement et précisément. Ce livre est parti du constat que dans les études de santé, les professionnels entendaient des conseils très généraux (être empathique, créer la confiance, maintenir une juste distance, reformuler, etc.) mais sans jamais d’outils concrets. J’ai voulu restituer des principes simples, inspirés par l’hypnose et les thérapies brèves, efficaces et utilisables par tout soignant (pas seulement psy !) pour améliorer la communication, la « part psychologique » inhérente à tout soin, et, par là, la relation thérapeutique.
Le portrait chinois de l’hypnose par Philippe Aïm
Si l’hypnose était :
• Une oeuvre d’art : Pygmalion et Galatée, de Jean-Léon Gérôme
• Un personnage : ma personne ressource, héros d’adolescent est Rocky. Personnage bien plus intéressant et complexe qu’il n’y paraît, film magnifique, pluri-oscarisé et à revoir. Cela pourrait aussi être Dumbledore dans Harry Potter, parce qu’il est vraiment constructionniste et orienté ressources ! (La fin du chapitre 23 du tome 6 est une leçon extraordinaire).
• Un lieu : le vieux Lyon de mon enfance avec des « traboules », ces passages secrets entre deux immeubles, qui font, pour les initiés, changer de rue et de paysage en quelques pas stratégiques.
• Un animal : un dix-huitième chameau.
• Un élément de la nature : une pomme. Celle qui tombe sur la tête de Newton.
• Une musique : cela change régulièrement… En ce moment « I am the walrus » des Beatles. Je trouve les harmonies, l’orchestration, les arrangements, les subtilités incroyables. Mais le texte ne veut (apparemment) rien dire ! Et pourtant la chanson peut faire ressentir une émotion, une énergie, prendre du sens… C’est cela aussi l’hypnose : la forme compte plus que le fond, l’on y met confusion, indirectivité, implications, mots-valises ; l’auditeur se réapproprie le contenu grâce au rythme des mots, y met un sens qui lui appartient et devient créatif ! Et de façon plus générale, un de mes morceaux préférés, absolument magnifique et hypnotique est « Love Letter » de Michel Petrucciani, la version « Au théatre des Champs-Elysées » 1994. La magie opère.
• Un souhait : parfois, surtout en ce moment, le monde qui nous entoure est difficile, douloureux, décourageant. Mon souhait est que, par notre travail d’hypnose et de thérapie, nous puissions, en aidant quelques personnes à rendre leur monde un peu plus doux, apporter nos quelques gouttes d’eau pour contribuer à l’océan de ce qu’il reste à faire pour rendre le monde un peu meilleur.
Référence bibliographique
Ecouter, parler : soigner, Guide de communication et de psychothérapie à l’usage des soignant
Philippe Aïm, éditions De Boeck (2015)
Des séances d'hypnose au CHU de Limoges - France 3
Depuis un an et demi, le CHU de Limoges propose des séances d'hypnose pour amoindrir notamment les désagréments des traitements ou de la chimiothérapie en cas de cancer.L'hypnose proposée par le service oncologie du CHU de Limoges aide les patients à prendre le dessus sur les angoisses liées à la maladie.
Un outil de traitement qui a fait scientifiquement ses preuves pour soutenir les patients atteints d'un cancer et atténuer les nausées liées à la chimiothérapie ou à accepter les traitements.
Martial Codet-Boisse
Conférence. L'hypnose contre la douleur - Plouguerneau - Le Télégramme
Il y avait beaucoup de monde, jeudi, à l'Armorica où le docteur Mercadié, neuropsychologue, responsable du diplôme universitaire d'hypnose à la faculté de médecine de Brest, est venu parler de l'hypnose médicale, en compagnie du Dr Garandeau, urgentiste et médecin du sport. L'hypnose médicale est un outil de soin qui est maintenant reconnu, notamment à l'hôpital. L'Ehpad (établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes) des Abers s'investit depuis deux ans dans la prise en charge de la douleur par l'hypnose, en formant, tous les ans, de nouveaux professionnels, aux techniques hypnotiques. Si l'hypnose médicale est un outil maintenant utilisé dans les blocs opératoires et dans les services d'urgences, il est encore peu développé dans les structures médico-sociales.
Perception différente de la douleur
L'hypnose est un état de conscience modifiée qui permet au patient d'avoir une perception différente de la douleur et ainsi de mieux la maîtriser d'autant que celle-ci est majorée lorsqu'elle envahit le patient. L'hypnose peut s'appliquer au quotidien dans la prise en charge de la personne âgée ayant des troubles cognitifs en lien avec des pathologies dégénératives comme la pathologie d'Alzheimer.
«Grâce à l'hypnose, il y a une diminution de prises de médicaments en anesthésie» - Libération
Pour la première fois, l'Inserm s'est lancé sur l'évaluation de cette pratique. Entretien avec le professeur Bruno Falissard, qui a coordonné le travail de synthèse.
L'hypnose, est-ce que ça marche ?
Le professeur Bruno Falissard est psychiatre de formation, il dirige une des plus importantes équipes sur l’épidémiologie et la santé des populations. Pour le compte de l’Inserm, avec Juliette Gueguen, il a rendu récemment une étude sur l’efficacité thérapeutique ou non de l’hypnose. Résultats mitigés : oui pour la douleur, mais pour le reste, bilan incertain y compris dans l’arrêt du tabac.
Quels enseignements en tirez-vous ?
Je ne suis pas évidemment pas un spécialiste et nous avons travaillé sur toutes les études publiées, soit près de 60 essais cliniques, et ma collègue a même suivi une formation en hypnose. Premier enseignement, nous sommes face à une pratique très hétérogène. Le concept est mal défini, entre l’hypnose de cabaret, l’auto hypnose ou l’hypnose ericksonienne caractérisée par une approche souple, indirecte et non dirigiste. On peut d’ailleurs se demander s’il est légitime d’appeler tout cela avec le même mot. En plus, ils ne sont pas d’accord entre eux, évoquant des états différents de conscience, mais certains disent que cela ne veut rien dire. Enfin, le mot conscience n’est pas encore bien capturé par la science. Il y a bien sûr des modalités de consciences différentes et sûrement à l’intérieur, il y a une modalité, une famille dans laquelle on est dans un état de suggestivité importante. Mais ce n’est pas un processus franc et homogène.
Et cela marche ou pas ?
Il faut prendre du recul : il y a un corpus assez solide autour de la prise en charge de la douleur et entre autres de la douleur en anesthésiologie. Là, un faisceau d’arguments indique une diminution de prises de médicaments en anesthésie quand la personne est sous hypnose. C’est solide, bien documenté. En même temps, la douleur est un état compliqué. On l’a vu dans le travail hypnose et accouchement.
C’est-à-dire ?
Sur le moment, les femmes qui accouchent sous hypnose vont dire que leur douleur est la même, avec la même échelle d’intensité. Pourtant, après, ces mêmes femmes vont avoir un souvenir beaucoup plus léger de ce qu’elles ont pu souffrir lors de l’accouchement. Comme si la douleur avait été la même, mais que le vécu de la douleur n’était pas identique : ce n’est pas une démonstration que je fais, mais une piste que j’avance. D’autant que lorsqu’on a travaillé sur la douleur sous hypnose lors d’un accouchement, on nous a raconté que lorsque l’anesthésiste commence à faire son travail avec la parturiente, tout le monde dans la salle d’accouchement se détend, est moins stressé, va mieux. Quelle est la part de l’un ou de l’autre ? En somme, le «pourquoi cela marche» est redoutablement subtil. Il doit y avoir un effet propre, mais aussi autour une façon différente de s’occuper du patient, les deux se conjuguant. Et pour nous, chercheurs inspirés de Claude Bernard, ce constat interroge nos questions méthodologiques car nous avons l’habitude de travailler avec une cause, un effet, un organe, une cible. Là, nous sommes dans un autre périmètre.
Vous avez regardé aussi l’EMDR (Eye movement desentiration and reprocessing) qui avait été popularisé par David Servan-Schreiber ?
Oui, et pour le syndrome post-traumatique, qui est un syndrome aujourd’hui bien défini, les études sont concluantes, cela marche.
Pourquoi ?
J’ai le sentiment que ce syndrome se nourrit de l’ancrage émotionnel autour du trauma initial. C’est la reviviscence : dès que quelque chose vous rappelle qu’il s’est passé ce choc, il y a une reviviscence émotionnelle extrêmement douloureuse pour le patient. Et du coup, tout ce qui permet de mettre à l’écart les choses peut avoir de l’effet. Peut-être que l’EMDR, qui permet de fixer notre attention ailleurs, permet de dissocier le vécu émotionnel de la perception traumatique. C’est une hypothèse, mais c’est vrai que les données, sur ce sujet, sont très positives.
Enfin, vos travaux montrent que l’hypnose n’est pas concluante sur le sevrage tabagique, alors que nombreux sont ceux qui vantent cette méthode…
Oui, dans le domaine de l’addiction ou de la psychiatrie, c’est une grosse déception, les études ne donnent rien. Or, en psychiatrie, historiquement, l’hypnose a été très utilisée et nous sommes confrontés à des collègues qui nous disent que cela fait extrêmement du bien à leurs patients. Or aucune étude ne le confirme.
Les études sont peut-être mal conçues ?
C’est la question. Pour des soins de cette nature, on fait souvent des études avec peu de moyens, avec des experts qui ne connaissent pas très bien les méthodologies et en plus ce sont des études difficiles à mener, avec des échantillons faibles. Et on a vu effleurer une autre question : quelle forme d’hypnose a été utilisée ? En groupe, auto hypnose ? Au final, aucune étude n’est convaincante.
La morale de l’histoire, c’est qu’en tout état de cause cela ne fait pas de mal…
Tout à fait, sauf d’éventuelles dérives sectaires, mais aussi le risque de souvenirs induits quand le thérapeute déborde. Reste que ces pratiques sont très hétérogènes. Et le soin ne peut se réduire au médicament. N’oublions pas, il y a tout autour un environnement. Le soignant est particulier, le patient aussi. En plus, la question qu’on nous pose est celle-ci : est-ce que cela marche et non pas est-ce que cela fait du bien aux gens ? Ce n’est pas tout à fait la même question.
Eric Favereau
Sommes-nous tous hypnotisables ? - Le Républicain Lorrain
L’hypnose, qui plonge dans un demi-sommeil grâce à différentes formes de suggestion, continue de captiver. Mais le regard porté sur elle a changé. Spectacle et approche thérapeutique sont désormais scindés. Mais sommes-nous tous hypnotisables ? Éléments de réponse.
Un individu hypnotisable est souvent un hystérique, soit actuel, soit en puissance, et toujours un névropathe. » Georges Gilles de La Tourette et Paul Richer n’y allaient pas de main morte en 1887, dans leur Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Les foules se pressaient alors à l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris, pour jouir du spectacle de grandes hystériques se contorsionnant sous l’influence du professeur Charcot. Un siècle plus tard, cette pratique, qui plonge dans un demi-sommeil grâce à différentes formes de suggestion, continue de captiver. Mais le regard porté sur elle a changé. Spectacle et approche thérapeutique sont désormais scindés.
À côté de Messmer, le « fascinateur » québécois, et de ses émules, dont les shows mettent en transe des individus piochés dans le public, de plus en plus de soignants se forment pour traiter symptômes ou addictions (tabac…), pour anesthésier, explorer la vie inconsciente (retrouver ou oublier des souvenirs…). Avec plus ou moins de bonheur. Les vertus de la transe sont célébrées, et il serait même possible d’en bénéficier sans aide, grâce à des techniques comme l’autohypnose.
Un état naturel
N’importe qui peut-il plonger dans les « forces imaginantes qui creusent le fond de l’être (1) », pour reprendre l’expression du scientifique et poète Gaston Bachelard ? Oui, assure Nicole Prieur (2), qui utilise de plus en plus cette méthode dans sa pratique clinique. Selon la philosophe et thérapeute, « l’hypnose est une vieille histoire de l’humanité. Elle correspond à un épisode de dissociation de la conscience que nous traversons tous plus ou moins à un moment de la journée : quand vous êtes arrêté à un feu rouge et que vous pensez à votre réunion de la veille ou à venir, vous vivez un état d’hypnose ». C’est ce que Hegel, reprenant le terme inventé au XVIIIe siècle par Franz Anton Mesmer, médecin allemand, appelé le « magnétisme animal (3) ». Le philosophe le définit comme un mouvement de « l’âme engagée dans le rêve et le pressentir de son monde individuel (4) ». Tous les êtres humains, développe-t-il, sont dotés de deux formes d’esprit : la « conscience saine » d’un côté, la « conscience sourde, subjective et pressentante » de l’autre. Vous souvenez-vous toujours de vos trajets en transports en commun, de ce que vous avez fait, pensé, le front appuyé contre la vitre embuée ? Nous mettons parfois notre conscience « saine » en veille pour laisser la place à cette conscience « magique » qui peut surgir « d’une manière particulière », assure-t-il.
Nous traversons donc un état hypnotique plusieurs fois par jour, sans nous en rendre compte, mais nous ne sommes pas forcément capables de l’exploiter pour aller mieux, ou pour régler les questions qui nous habitant ou nous minent. L’utilisation thérapeutique nécessite le recours à un praticien auprès duquel il va falloir accepter d’abolir sa volonté et ouvrir les portes de son inconscient. « Pour que l’hypnose fonctionne et qu’elle soit suivie de résultats, il faut un accordage, souligne Jean-Marc Benhaïem, hypnothérapeute et médecin.
D’abord, le praticien doit pouvoir déceler la sensibilité du patient. Car, si tout le monde est hypnotisable, chacun l’est d’une manière différente : certains sont plus réceptifs au canal visuel, d’autres à la voix ou au toucher. Ensuite, tout est affaire de relation. Parfois, la demande du patient n’est pas comprise. Ou le lien ne s’établit pas. C’est un peu comme quand vous partez faire de l’escalade avec un guide. S’il ne vous plaît pas, la promenade risque d’être désagréable. » À 30 ans, Louise a décidé d’arrêter de fumer. Elle est allée voir un hypnothérapeute très connu, dont elle avait entendu dire beaucoup de bien. Elle garde un souvenir atroce de la séance : « Cet homme hypnotisait à la chaîne. Je me suis retrouvée dans un bureau sombre avec une lumière tamisée. Il m’a dit de m’allonger dans un fauteuil de relaxation, ne m’a posé aucune question, ne m’a rien expliqué. Il m’ordonnait de me détendre. Intérieurement, je me disais : “Vous êtes bien gentil, monsieur, mais ça ne marche pas comme ça avec moi !” À aucun moment il ne s’est demandé dans quel état j’étais, ce que je comprenais de ce qu’il faisait. Je l’ai trouvé très arrogant. Puis j’ai eu l’impression qu’il essayait de m’hypnotiser, d’entrer en moi de force. J’ai vécu cela comme une grande violence et je ne me suis pas laissé faire. Je n’ai pas réussi à lui emboîter le pas. À la fin, je lui ai dit que je pensais que ça n’avait pas marché avec moi. Il a pris l’air étonné et m’a répondu que “Si, ça [avait] marché” et que j’allais arrêter de fumer. Tu parles ! » Pour calmer sa colère et fêter la fin du calvaire, Louise a allumé une cigarette dès la sortie.
Un patient en confiance
Sans confiance, pas de transe. Les praticiens insistent sur cette condition nécessaire et souvent suffisante. Car la transition vers l’état hypnotique provoqué par le thérapeute suscite automatiquement de l’inquiétude chez le patient. « Quand le basculement dans la dissociation n’est pas inconsciemment initié par le patient, il est inévitablement source d’appréhension, affirme Nicole Prieur. Nous lui proposons d’ouvrir des portes, de se libérer de ses idées préconçues, de ses schémas de fonctionnement, de ses symptômes, des murs qu’il avait érigés. Face à ce foisonnement de nouvelles perspectives, il se retrouve livré à lui-même, à sa propre vie, et ça peut être très angoissant. Le thérapeute doit pouvoir tranquilliser, rassurer en jouant le rôle de pilier, amener à dépasser la crainte, parce qu’il sait qu’au-delà la promenade va devenir magique pour le patient. Mais ce dernier doit aussi accepter le fait qu’il n’est peut-être pas capable d’assumer sa liberté, qu’il va s’arrêter au seuil de la porte.
De toute façon, même si la transe n’est pas très profonde, nous pouvons l’utiliser de manière thérapeutique. »
Daniel G, psychologue, hypnothérapeute et sophrologue, est l’un des rares Français à pratiquer les deux grandes formes d’hypnose : l’hypnose profonde et l’hypnose éricksonienne, qu’il qualifie de processus « de surface ». Dans la première, le patient laisse la main au thérapeute et lui confie les clés de son inconscient ; dans la seconde, il entame une balade onirique, métaphorique dans son imaginaire avec lui. Les deux méthodes, différentes, demandent l’une et l’autre la levée des peurs du patient, selon Daniel G : « Il est impossible de forcer quelqu’un d’emblée. Il faut qu’il accepte intuitivement de mettre en branle un mécanisme que tous les êtres humains ont en eux. Et pour cela, le thérapeute doit casser une résistance instinctive qui se met toujours en place. La meilleure des techniques est de plaire au patient, de s’intéresser à lui, à ses motivations, puis de passer à une séquence importante pour nous : l’acceptation. C’est elle qui déclenche les choses. Elle consiste à lui expliquer ce qui se passe, quels gestes nous effectuons et quelles réactions cela suscite chez lui : “Vous voyez, vos mains commencent à trembler” ou “Vous avez une paupière qui cligne”. » En s’en rendant compte, le patient poursuit les mouvements qu’il a enclenchés, s’embarquant volontairement dans une forme de spirale.
Des voyageurs complices
Praticien et patient, complices du voyage qui s’amorce, pénètrent progressivement dans un sommeil somnambulique.
En hypnose profonde, tout peut aller très vite : trente à quarante-cinq secondes, grâce à des inductions rapides. Daniel G utilise les mains, les bras du patient, la fixation du regard ; des techniques ancestrales avec lesquelles il entre en prise directe et en dialogue avec l’inconscient, le moi profond de celui qui lui fait face. « Je communique avec une espèce d’entité interne, douée d’une vraie personnalité, mais légèrement décalée par rapport à celle que j’ai accueillie à son arrivée, détaille le thérapeute. C’est un personnage second, caché, qui peut s’exprimer et révéler des souvenirs enfouis, éclairer des comportements névrotiques. Je peux le flatter, lui adresser des requêtes, en fonction de ce qu’a dit et demandé le patient au début de la séance. C’est spectaculaire, car l’hypnotisé rencontre tout de suite son fantasme ou sa peur. Mais il ne s’en souviendra pas. Et je ne le lui raconterai pas, sous peine que son moi profond refuse de se manifester après que j’aurai brisé ses secrets. »
Daniel G aime employer l’hypnose profonde, car elle aboutit rapidement, d’après lui, à de très bons résultats. Mais elle n’est pas toujours possible, notamment quand le patient reste en dehors, extérieur à ce qui lui arrive.
En cas de blocage et de résistance, il passe en hypnose éricksonienne, plus facile à induire, même s’il compte au moins trente à quarante-cinq minutes pour la mettre en place.
Sa consœur Inès de Bonnechose a remarqué, elle aussi, que les profils les plus résistants sont ceux qui se mettent dans une posture d’observation minutieuse : « Ils sont parfois très enthousiastes mais se focalisent tellement sur ce qui va se passer, sur leur état – “Suis-je en hypnose ou pas” – que l’induction risque d’être plus longue, note-t-elle en souriant. Alors que ceux qui arrivent en me disant “Je vous préviens, je suis dans l’hypercontrôle” partent souvent très facilement. Ils sont en fait si épuisés par leur activité mentale incessante qu’ils ne demandent qu’à lâcher. »
Comment résister au plaisir de s’abandonner à la puissance intuitive de nos rêves, aux pouvoirs divinatoires de l’imaginaire ? L’hypnose démasque les simulacres que nous mettons en place pour tamponner nos angoisses. Lise Bartoli (5), psychologue qui pratique l’hypnose éricksonienne, aime dire que, « en prenant conscience de ses motivations inconscientes, le patient ne s’endort pas. Il se réveille ».
1. Dans L’Eau et les Rêves de Gaston Bachelard (Le Livre de poche, 2007).
2. Nicole Prieur, auteure notamment de Nos enfants, ces petits philosophes (Albin Michel, 2013)
3. Les premiers fondements scientifiques de l’hypnose sont liés à la découverte du « magnétisme animal » par Franz Anton Mesmer
4. Dans Le Magnétisme animal, naissance de l’hypnose de Hegel (PUF, 2014)
5. Lise Bartoli, auteure de Se libérer par l’hypnose (Payot, 2010)
Âmes troubles s’abstenir
Troubles hallucinatoires, frontières floues entre le réel et l’imaginaire constituent des contre-indications pour l’hypnose : les personnes qui en souffrent risquent en effet de basculer dans la psychose et de se déconnecter du monde qui les entoure.
C’est notamment pour cette raison que « le praticien doit avoir les connaissances médicales suffisantes qui lui permettront de repérer ces troubles et d’adapter son travail à la demande de soin du patient, précise Jean-Marc Benhaïem, hypnothérapeute et médecin, qui a créé le premier diplôme universitaire d’hypnose médicale au CHU de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. C’est du sérieux, l’hypnose.
Connaître cette pratique ne suffit pas pour soigner quelqu’un. Nous sommes très sollicités par des coaches, des gens qui font du reiki, de la méditation. Certains sont très bons, mais il est impensable d’utiliser cette technique sans être titulaire d’un diplôme de médecine ou de psychologie. Il serait à ce titre souhaitable que le Conseil de l’ordre des médecins se saisisse un peu plus sérieusement de cette question ».
Hélène FRESNEL
À Pont-Audemer, l’hypnose se pratique à l’hôpital et chez deux hypnothérapeutes - Paris Normandie
Découverte. Cette pratique discrète et méconnue est utilisée quotidiennement à Pont-Audemer, soit par les deux hypnothérapeutes exerçant en ville soit à l’hôpital. Explications.
Popularisée par la télévision avec des shows millimétrés où les spectateurs s’endorment d’un claquement de doigts, l’hypnose a trouvé sa place à Pont-Audemer. Mais sous une forme thérapeutique.
Tout d’abord à l’hôpital de Pont-Audemer. Gérard Baudouin, infirmier anesthésiste, est le seul à y pratiquer l’hypnose. L’établissement lui a payé la formation, des sessions de trois jours revenant régulièrement en 2012 et 2013.
CONVAINCRE LES MÉDECINS
« J’interviens beaucoup aux urgences pour des douleurs aiguës. Mais également dans d’autres services pour les douleurs chroniques. Quand la douleur n’a pas d’explication rationnelle, on essaie de changer sa perception par le patient », explique Gérard Baudouin qui reconnaît que l’hypnose arrive « un peu comme la dernière roue du carrosse ». « De temps en temps, à la demande des patients, on la propose pour des endoscopies ou des coloscopies par exemple. Mais il faut que tout le reste de l’équipe soit d’accord. » S’il estime la part des médecins réticents à l’hypnose comme une minorité, il reste toutefois à les convaincre. « On ne sait pas présager du résultat d’où une certaine résistance du milieu médical qui voudrait savoir le pourquoi du comment. Les démonstrations que l’on voit à la télévision font du tort également. Les gens ont l’impression que l’on va prendre entièrement le contrôle d’eux. »
ARRÊTER DE FUMER EN UNE SÉANCE
Quand elle est bien faite : « Ça n’apporte qu’un plus, ça ne coûte rien à part la formation et il n’y a pas d’effet indésirable. »
Fumeur depuis l’âge de 13 ans, Franck Leboulanger a consulté l’an dernier l’hypnothérapeute et sophrologue Laurette Perrotte, installée dans le quartier de la Ferme des places à Pont-Audemer. L’habitant de Lisieux s’y est rendu « pour arrêter de fumer. Ma fille voulait que j’arrête et c’est ma mère qui a pris rendez-vous sans me demander. » Question motivation, la séance ne se présentait pas sous les meilleurs augures. Dans ces cas-là, les motifs que peuvent être l’argent ou la santé ne suffisent pas.« J’y allais sans trop y croire. » Mais à 49 ans, ce 4 août 2014, Franck Leboulanger est resté ouvert sur le sujet, prêt à tenter l’expérience. D’autant qu’il avait déjà su faire preuve de motivation pendant trois ans, période au cours de laquelle il n’a pas touché une cigarette. Après avoir discuté pendant une heure pour établir une relation de confiance et mieux connaître la personne, « on ferme les yeux, on se détend et c’est elle qui parle. » Grâce à des protocoles propres à chaque client, jouant sur les cinq sens, l’hypnothérapeute cherche à « avoir accès à l’inconscient. Toutes les ressources sont en la personne », explique Laurette Perrotte.
Depuis ce rendez-vous, Franck Leboulanger n’a jamais refumé. « Les premiers jours après les repas, j’avais une grosse envie de tabac mais passé ça, je trouve que cela a été rudement facile. » « 90 % des personnes qui viennent me voir pour le tabac réussissent à arrêter en une séance de deux heures », assure l’hypnothérapeute dont l’agenda affiche complet jusqu’à mi-janvier.
La sœur de Franck Leboulanger l’a également consultée pour un deuil difficile, qui aura duré sept ans. Après la séance, « elle pleurait du matin au soir pendant deux semaines. Ensuite, ça a été mieux. C’est hyperpositif pour nous. »
C. H.
Comme dans tous les métiers, en particulier ceux non reconnus et n’obligeant donc pas à suivre des formations, tous les professionnels ne se valent pas. « Il faut faire très attention, alerte Isabelle Loiseau, psychologue, hypnothérapeute et sophrologue, à Pont-Audemer. Des gens viennent parfois pour savoir s’ils n’ont pas été abusés dans leur enfance. Attention à ne pas donner des souvenirs induits. Quand on cherche quelque chose, on finit par le trouver même quand cela n’a jamais existé. Il faut agir avec énormément de précaution. »
Ces précautions passent notamment par une collaboration avec un médecin ou un spécialiste. Laurette Perrotte demande systématiquement pour les addictions à l’alcool ou au cannabis, à ce que « le patient ait vu un médecin avant ».
Mis à part la cigarette, les problèmes d’alcool, de surpoids et autres angoisses nécessitent « un suivi médical et psychologique », estime Isabelle Loiseau. Elle-même se sert de l’hypnose comme « un outil. Ça reste de l’accompagnement. On n’a pas de baguette magique. »
Hypnose et Kinésithérapie - Kiné Actualité
Des formations agréées
Evidemmment, on ne pratique pas l'hypnose sans une formation dans les règles. Il existe plusieurs instituts agréés en France. Jeanne-Marie Jourdren et Marie-Anne Jolly officient à l'IFH. Dans leurs cours, elles enseignent aux masseurs-kinésithérapeutes des techniques de communication et d'écoute avancées, basées sur le langage du corps, la programmation neurolinguistique (PNL) et les dernières connaissances neuropsychologiques en communication. "On leur fait faire des exercices types afin qu'ils puissent facilement les utiliser avec leurs patients", soulignent-elles. Par exemple, elles évoquent l'emploi de la projection et la pratique de renforcement musculaire "idéo-moteur" : le patient ne réalise plus l'exercice, mais imagine qu'il est en train de la faire.
Afin d'améliorer leurs techniques, les deux femmes retournent très régulièrement se former auprès de psychiatres et s'entretiennent fréquemment avec des anesthésistes, des médecins généralistes et des infirmières.