Hypnose : Revue Science & Santé
Déroulé d'une séance
Une séance d'hypnose médicale comporte trois étapes. La première, baptisée "induction", amène le sujet hypnotisé, via la fixation d'un point, la relaxation, le récit d'une histoire..., à se détacher progressivement de son environnement.
Lors de la phase suivante, nommée "dissociation" ou "confusion", le sujet se coupe de ses perceptions auditives, visuelles, tactiles. Sa respiration et son rythme cardiaque ralentissent, son corps est engourdi et immobile. Dans le cas d'un soin douloureux (pansement, pose d'une perfusion...), cette phase possède un effet antalgique suffisant pour permettre le soin (le patient se "dissocie" temporairement d'une partie de son corps qu'il confie au soignant, dans un contexte bienveillant).
Au cours de la troisième étape ("la perception première"), le sujet s'installe dans une sensorialité qui fonctionne en dehors de la raison. L'hypnothérapeute formule alors des suggestions en fonction du but de la séance, avant d'attirer l'attention de son patient sur des repères physiques du moment et du lieu pour lui permettre de revenir en douceur à la réalité.
Université de Brest. L'hypnose enseignée à la faculté de médecine - Ouest France
Christian Berthou, le doyen de la faculté de médecine de Brest (UBO), développe les médecines alternatives et complémentaires. C'est aussi une demande de la Haute autorité de santé.
C'est un diplôme universitaire d'État. La formation est proposée dans le cadre de la formation continue. Elle s'adresse à tous les professionnels de santé : psychologues et psychiatres mais aussi médecins généralistes et spécialistes, infirmières, sages-femmes, aides-soignantes, et dentistes. "C'est ce qui en fait une formation unique en France", explique Lolita Mercadié, responsable du DU. Autre particularité : c'est un diplôme inter-universitaire, organisé en partenariat avec la faculté de Dijon. Deux places sont réservées à des étudiants en fin de parcours.
"Les étudiants apprendront à devenir hypnothérapeute, à établir une autre relation avec leur patient. Lors d'une opération, l'hypnose permet d'agir sur la douleur mais aussi sur l'anxiété. Dans une consultation psy, c'est un outil d'analyse permettant d'accéder à des ressources enfouies."
L'an passé, la faculté de Brest avait déjà innové en ouvrant le premier DU d'homéopathie dans une faculté de médecine. Une initiative qui avait valu quelques mails désagréables au doyen car l'homéopathie reste contestée.
Casque 3D, hypnose : l'hôpital Trousseau innove en chirurgie pédiatrique - MétroNews
Outre le parcours de soins pensé pour assurer la meilleure prise en charge des enfants et de leur famille et permettre de limiter le temps passé dans le service, l'unité dirigée par le Professeur Isabelle Constant développe deux techniques qui limitent l'usage de l'anesthésie générale : l’hypnose et la vidéo 3D.
Des méthodes inédites
"A la différence des adultes, explique la chef de service, il est très difficile de contraindre un enfant à ne pas bouger lors d'une intervention sous anesthésie locale, ce qui nous oblige généralement à les endormir". Pour limiter le recours à l'anesthésie générale, le service s'est doté d'un casque projetant des films en 3D. Absorbés par les images, les enfants peuvent ainsi être opérés sous anesthésie locale sans difficulté. Déjà testée à l’hôpital, cette première mondiale, qui sera présentée vendredi au Congrès mondiale d’anesthésie aux Etats-Unis, "connaît déjà un vif succès auprès des jeunes patients", commente la responsable du service.
Plus étonnant encore, le nouveau service de l'hôpital Trousseau propose des opérations sous hypnose. Là encore, une méthode inédite en chirurgie pédiatrique. Six médecins anesthésistes et du personnel de soin formés à cette technique de conditionnement des patients offrent ainsi une autre alternative à l’anesthésie générale. "Pour les enfants, cette méthode couplée à une anesthésie locale présente des avantages évidents, particulièrement pour les enfants présentant des risques particuliers dans le cadre d'une anesthésie générale", souligne le Pr Constant. Encore limité, ce protocole est amené à se structurer au sein du service avec un groupe de médecins spécialisés dédiés à cette activité.
A l'heure où la chirurgie ambulatoire s'impose comme l'un des axes majeurs d'économies dans les établissements de soins, le service de l'hôpital Trousseau pourrait bien faire des émules.
Nicolas Vanel
Demain l’hypnose remplacera-t-elle les anesthésies ? Emission Europe Midi - Europe 1
Comment on parvient à opérer sous hypnose ? Comment la mise sous hypnose permet d'ôter la douleur comme si on vous administrait un sédatif ? Et on peut être opéré aujourd'hui sans anesthésie que l'on soit adulte ou enfant - cela se diffuse notamment pour les enfants, à l'hôpital Trousseau à Paris.
Pour écouter l'émission (de 59'27 à 65'56) :
Chirurgie ambulatoire, la "révolution" à venir des hôpitaux français - LaDépêche.fr
Dans cette "révolution en marche", les comptes de l'Assurance maladie ne seront pas les seuls gagnants: les patients saluent le confort de la formule qui permet de rentrer chez soi quelques heures après l'opération.
Parmi ceux-ci, l'ex-ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, qui avait révélé fin 2013 avoir été traitée pour un cancer du sein alors qu'elle était au gouvernement, est venue témoigner de son expérience à un colloque organisé par l'Institut Curie à Paris.
"La chirurgie ambulatoire contribue à améliorer le moral des patients", a-t-elle souligné. "Le fait de pouvoir rentrer chez soi dans la journée vous permet de passer à autre chose. Certes, la maladie n'a pas disparu mais elle n'est plus au centre de votre vie".
Des enquêtes auprès de patientes opérées par chirurgie ambulatoire pour des cancers du sein confirme un niveau de "satisfaction très élevé", note Hélène Esperou, médecin responsable qualité d'Unicancer, une fédération de 20 centres anti-cancer français.
La chirurgie ambulatoire permet de "dédramatiser l'acte chirurgical" sans pour autant minimiser la maladie. Elle s'accompagne souvent d'une anesthésie plus légère, utilisant parfois l'hypnose. Elle est gage d'une prise en charge personnalisée car, après l'opération, l'hôpital doit avoir la certitude que le patient "est apte à rentrer chez lui", souligne Dr Esperou.
"Virage ambulatoire"
Les 20 centres d'Unicancer ambitionnent de réaliser la moitié des chirurgies pour cancer du sein en ambulatoire d'ici 2020. La chirurgie des ovaires, de la prostate, de la thyroïde, de l'appareil digestif, du poumon ou des articulations sont des domaines où l'ambulatoire est déjà à l'oeuvre. Un modèle qui permet de réduire également les risques d'infections contractées à l'hôpital ("nosocomiales") mais qui ne peut toutefois pas être appliqué aux opérations lourdes.
Pionnière de cette pratique, la Pr Corinne Vons voit la "révolution" de l'ambulatoire débarquer en France avec des années de retard sur les Etats-Unis et la Grande-Bretagne où sept à huit opérations sur dix se font ainsi (quatre sur dix en France).
"Il y a une prise de conscience, on a compris que cela allait diminuer les coûts et on demande maintenant aux hôpitaux d'en faire mais il n'ont pas l'habitude et c'est lent à démarrer", explique cette chirurgienne de l'hôpital Jean-Verdier (Seine-Saint-Denis) qui préside l'Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA).
La chirurgie ambulatoire se définit comme un passage au bloc opératoire avec un séjour de moins 12 heures à l'hôpital. Elle présente un "potentiel d'économies important à court et moyen terme", souligne l'économiste de la santé Sandrine Baffert.
Cette pratique libère des lits, supprime des frais de séjour (restauration, blanchisserie) et permet de "redistribuer" du personnel affecté à la nuit, souligne-t-elle.
Le développement de l'ambulatoire nécessitera une réorganisation au sein des hôpitaux et des investissements mais, in fine, les économies pour la Sécurité sociale se chiffreraient entre un et six milliards d'euros par an, selon Mme Baffert.
Le gouvernement a compris le bénéfice qu'il pouvait tirer de l'ambulatoire pour réduire le déficit de l'assurance maladie.
Il entend faire prendre rapidement le "virage ambulatoire" aux hôpitaux français: le projet de budget 2015 de la sécu, examiné mardi et mercredi en commission parlementaire, prévoit 100 millions d'euros d'économies grâce au "développement des prises en charge ambulatoires".
Depuis mars, un changement de tarification rend aussi financièrement plus attractif pour les hôpitaux la chirurgie ambulatoire, relève la Pr Vons. Ce changement, ainsi que la généralisation de techniques moins agressives dites "mini-invasive" où le chirurgien opère par petites incisions à l'aide de mini-caméras, devrait accélérer le développement de l'ambulatoire.
L'hypnose révolutionne l'ophtalmologie - La Provence
Le Dr Luce Bichet-Cantenot, ophtalmologue depuis 1987, y pratique l'hypnose pour "modifier la perception de la douleur, sous anesthésie locale". Pour traiter les DMLA (dégénérescences maculaires liées à l'âge) ou les complications du diabète, elle pratique des injections intra-vitréennes : "On injecte un produit dans le blanc de l'oeil pour traiter l'oedème de la rétine."
Qui dit injection dit piqûre et qui dit piqûre... dit stress. "Il y a même des patients pour lesquels c'est pire que ça ..." Alors Luce Bichet-Cantenot a opté pour l'hypnose. Pas banal mais efficace, après une formation à la Pitié-Salpêtrière.
"Limiter l'anxiété"
Le but ? "Extraire" le patient du bloc opératoire, même s'il est conscient de ce qu'on lui fait. Pas question de succomber au sommeil profond après la rengaine "vos paupières sont lourdes" et ne se souvenir de rien. "L'hypnose, c'est la relation à soi et à l'autre qui permet au patient d'être au centre du soin. En intervenant sur les différentes composantes de la douleur, on lui permet de modifier sa perception et de mémoriser un moment qui peut être agréable, voire ludique", explique-t-elle.
Ludique, la piqûre dans l'oeil ? "On tient compte de ce que vit le patient, de sa personnalité, ses passions... et on évoque cela avant l'intervention pour limiter l'anxiété et le ressenti douloureux." Concrètement, le patient est informé qu'il va "subir" une induction hypnotique, alors le médecin lui parle de ce qui lui fait du bien. Retour donc dans le car de supporters de rugby.
D'une voix apaisante, Luce Bichet-Cantenot entraîne son patient dans le monde de l'ovalie, ou ailleurs, c'est selon. Là, une grand-mère atteinte de dégénérescence maculaire, angoissée à l'idée du traitement... retourne en cuisine ! "Sa passion, c'est la pâtisserie. Dans une ambiance apaisée, sur fond musical, elle me raconte ses astuces pour réussir ses gâteaux."
"Je sens le patient plus apaisé"
La recette calme l'angoisse de la dame et atténue la perception douloureuse durant et après l'intervention. "Par les mots, elle s'extrait de la réalité chirurgicale et s'évade dans ses souvenirs agréables." Idem pour cet ado féru de basket : "On a évoqué un match de la NBA à Chicago en même temps que j'annonçais ce que je faisais..."
Ou encore ce patient qui avait raconté comment, petit, sa mère l'emmenait à l'opéra. L'ophtalmo, sur fond lyrique, évoque la Scala de Milan avant l'injection : "C'est du confort pour moi aussi, je sens le patient plus apaisé."
Même facilité pour l'infirmière au bloc : "On est davantage dans la suggestion", se détend Sarah. "Le temps est propice pour le match de rugby, on va installer le champ opératoire... Vous êtes dans le bus des supporters et on va mettre une goutte anesthésique. Je mets l'écarteur dans votre oeil, le match commence", explique-t-elle.
L'histoire ne dit pas qui remporte le match de rugby ni si le gâteau est bon, mais l'intervention, elle, s'est déroulée dans le calme.
"S'investir encore plus avec son patient"
"C'est une formation qui me tenait à coeur : malgré le fait que l'ophtalmologie soit une spécialité liée aux machines avec, par exemple, la rétinographie, l'OCT (tomographie à cohérence optique, Ndlr), il ne faut pas oublier de rester en contact avec le patient. C'est même essentiel. L'ophtalmologie ne se résume pas à des machines, on garde une vraie empathie avec nos patients. Ce sont des personnes souvent âgées, fragilisées et je suis très attachée à la relation qu'on noue avec eux", explique le Docteur Luce Bichet-Cantenot.
Elle poursuit : "Dans le cadre d'un traitement itératif, on revoit les patients souvent, donc il faut éviter une certaine lassitude. En ce sens, la pratique de l'hypnose est essentielle pour, d'abord, s'intéresser au patient, puis construire une relation solide."
Par ailleurs,"même si en ophtalmologie, comme en radiologie, les examens prennent une place considérable, il ne serait pas bon de se passer du contact avec le patient : nous avons en face de nous une personne dont l'angoisse est de perdre la vue. Sur un plan plus personnel, la pratique de l'hypnose m'a permis de m'investir encore plus : comment mon patient ressent-il sa perte de vision ? Est-il seul à la maison ?
Séverine Pardini
Une conférence pour apprivoiser la douleur - Le Télégramme
Le Télégramme : quel est le thème de la conférence organisée ce soir ?
Sylvie Besson, médecin de l'équipe douleur et soins palliatifs du centre hospitalier de Dinan : « À l'occasion de la Journée de la douleur, nous avons voulu proposer une conférence sur les méthodes permettant une meilleure prise en charge de la douleur par des moyens non médicamenteux. L'hypnose est plus connue du grand public, on a donc privilégié la méditation de pleine conscience. Le docteur Christophe André utilise cette méthode depuis de nombreuses années, notamment pour éviter les rechutes dépressives chez ses patients. Il a écrit de nombreux livres sur le sujet. La conférence est ouverte à tous et gratuite. »
En quoi consiste cette méthode et comment peut-elle aider à diminuer la douleur ?
« Le premier réflexe pour un soignant confronté à la douleur est de prescrire des médicaments. Mais dans des cas complexes, parfois ça ne suffit pas. Il y a des façons d'être, de communiquer qui peuvent permettre de diminuer la peur et on peut ainsi aider les gens à vivre avec leur douleur différemment, grâce à une présence rassurante et une communication aidante. Pour la pleine conscience, grâce à des exercices de méditation, le soignant apprend à être complètement dans l'instant présent, sans porter de jugement et sans avoir l'esprit pollué par d'autres choses. Dans le soin, il est ainsi plus disponible. Ce sont des comportements que les soignants font naturellement mais grâce à l'hypnose ou la pleine conscience, ils vont avoir des outils, des méthodes pour mieux le faire. »
Concrètement, à l'hôpital de Dinan, quelles sont les pratiques mises en place dans ce domaine?
« La première étape a été la création, il y a trois ans, de l'équipe mobile douleur et soins palliatifs à Dinan. Avant, il y avait une seule équipe à Saint-Malo pour tout le secteur. Elle est composée de deux médecins, trois infirmiers et un psychologue. Nous intervenons à l'hôpital mais aussi en maison de retraite ou à domicile. On accompagne les patients mais également les soignants en difficulté dans une prise en charge. Mais, aujourd'hui, à Saint-Malo et Dinan, seulement une dizaine de professionnels sont formés à l'hypnose, par exemple. On va donc lancer un grand cycle de formation pour les personnels des hôpitaux de Dinan et Saint-Malo, mais aussi de la polyclinique de la Rance, sur les deux prochaines années, si les financements le permettent. On veut proposer des formations longues de douze jours sur l'hypnose à 70 personnes et également des programmes courts de quatre jours mêlant hypnose et pleine conscience à environ 150 personnes. On espère ainsi faire vraiment évoluer les pratiques au sein de ces structures ».
Santé à Vannes. L'hôpital mise sur l'anesthésie par l'hypnose - Ouest France
À l'hôpital de Vannes, les médecins anesthésistes ne jouent pas les illusionnistes ! Et pourtant, ils se servent bien de l'hypnose comme d'une alternative à l'anesthésie conventionnelle.
« On ne peut pas l'utiliser pour toutes les interventions, prévient Christophe Soltner, chef du service d'anesthésie. Mais on observe que les patients y sont de plus en plus sensibles.»
26 personnels soignants formés
Elle ne concerne pour l'heure qu'une intervention par semaine en ambulatoire. Mais dans les prochains mois, le nombre de patients qui pourront en bénéficier devrait progresser. L'hôpital a en effet décidé d'investir lourdement dans la formation du personnel soignant. « D'ici la fin de l'année, on passera de quatre médecins anesthésistes formés à onze et d'une infirmière à quinze », annonce Fabienne Ory Balluais, directrice adjointe.
Le principe ? « Focaliser la conscience sur autre chose que ce que l'on va soigner », résume le médecin. La technique ne s'adresse toutefois pas à tous les patients. « Il faut y adhérer ! C'est un principe de base pour que ça marche. Mais ça n'est pas parce qu'on a recours à l'hypnose qu'on n'injecte pas d'antidouleur au patient. »
L'avantage ? Un réveil facile dès que l'intervention est terminée. Mais aussi une alternative qui convient parfaitement aux patients dont l'état de santé rend difficile une anesthésie générale.
Chirurgie cardiaque sous hypnose : La Marocaine Asmaa Khaled auteure d’une première médicale - Yabiladi
Yabiladi : Quelles sont les opérations de chirurgie cardiaque que vous avez réalisées sous hypnose avec l’équipe du CHU Henri Mondor ?
Asmae Khaled : Sur les deux derniers mois nous avons appliqué l’hypnose à un type d’opération très lourde et je pense que c’est une première. Nous avons fait plusieurs opérations vasculaires qui consistait à implanter une endoprothèse valvulaire aortique en remplaçant les produits anesthésiants et vaso-constricteurs par l’hypnose. En d’autres termes, il s’agissait détruire la valve aortique calcifiée et la remplacer par une bioprothèse.
Pourquoi avoir choisi d’employer l’hypnose plutôt qu’une méthode anesthésique classique ?
Avec une procédure classique, les produits anesthésiants que nous utilisons et les vaso-constricteurs comportent des risques d’autant plus élevés pour le cœur d’un patient qui est déjà fragilisé. L’hypnose permet d’alléger la survenue de ces complications. Nous réalisons également une étude, dont les résultats ne sont pas encore certains, mais très prometteurs, sur les conséquences de l’arrêt cardiaque lié à l’opération.
Pendant 5 à 8 minutes, le cœur cesse de fonctionner même si le sang continue de circuler dans le corps grâce à des machines. Je dis souvent que le patient meurt et ‘démeurt’, puisque le cœur est arrêté puis redémarré. Sauf qu’à l’issue de l’opération, les patients sont souvent atteints de troubles cognitifs sans que l’on sache si c’est en raison de l’arrêt cardiaque ou de la nocivité des produits qu’on lui administre pendant l’anesthésie. Toujours est-il que sur la série d’opérations que nous avons effectuées sous hypnose, les patients semblent ne pas présenter ces troubles.
Le 3 avril, vous avez participé à la réalisation d’une autre première médicale : retirer une tumeur sur les cordes vocales de la chanteuse d’origine guinéenne Alama Kanté tandis qu’elle chantait sous hypnose. Pourquoi l’équipe soignante a-t-elle choisi de procéder ainsi ?
Le cas d’Alima Kanté présentait deux difficultés : d’une part la tumeur était placée sur les nerfs afférents, c’est-à-dire sur ce qui détermine la voix, or il n’était pas possible visuellement de distinguer l’une de l’autre. Le risque était de sectionner un nerf et qu’elle perde complètement la voix. D’autre part, en cas d’anesthésie générale, il faut intuber la patiente et même si l’on sait le faire avec beaucoup de soins, il reste toujours le risque théorique d’abimer les voies aériennes. L’équipe a donc choisi de faire simplement une anesthésie au niveau de la peau. Pour le reste, j’ai maintenu la patiente en état de transe hypnotique pendant toute l’opération.
Quel a été votre rôle pendant l'opération de Alima Kanté
Mon rôle a été celui d’une anesthésiste réanimatrice. Dans un entretien préparatoire, Alama Kanté m’a raconté des moments forts et heureux de sa vie. Elle m’a parlé de lieux et de personnes qui l’intéressent pour reconstituer des souvenirs agréables. Sur cette base, dès que nous sommes arrivées dans la salle d’opération, j’ai choisi pour elle une destination, le Sénégal, pour un voyage africain, un retour vers ses racines. En état de transe hypnotique, elle ne ressentait pas de douleur, mais certaines sensations de toucher. La piqure pour l’intraveineuse était une piqure de moustique. Quand le chirurgien a atteint les tissus profonds du cou, je parlais d’un collier de scène en noix de coco lourd et rêche. Elle avait souhaité revivre l’accouchement par césarienne de son fils, je l’y ai amené au moment où on extirpait sa tumeur. Il y avait comme ça une sorte de parallèle permanent entre son voyage hypnotique et la réalité de son opération.
Qu’est-ce que cette opération avait d’exceptionnelle ?
L’hypnose médicale s’emploie depuis de nombreuses années, y compris dans le cadre des anesthésies. Dans ce cas, c’est le fait d’avoir fait chanter Alama Kanté, pendant l’opération, pour ajuster le geste du chirurgien qui est exceptionnel. C’est les modulations, les altérations de la voix de la chanteuse qui ont guidé ses incisions et permis de faire la distinction entre la tumeur et la partie saine. A un moment donné, alors qu’elle chantait, Alama Kanté est devenue aphone pendant 3 à 4 minutes. Le chirurgien était en train de tirer sur la tumeur pour la retirer. C’était un moment de grande tension. Puis la voix est revenue, un peu éraillée et normale finalement. La patiente s’est même endormie profondément un moment. Après l’opération, elle m’a dit que dans son souvenir, elle était dans un « lit chocolaté » avec son fils !
Comment avez-vous appris l’hypnose ?
Elle ne fait pas partie du cursus universitaire classique nulle part au monde bien qu’elle soit utilisée un peu partout. J’ai commencé à m’y intéresser dès la fin de mes études à la faculté de médecine de Casablanca. En participant à un séminaire sur l’hypnose, on m’a conseillé d’aller voir le docteur Aboubakr Harakat et c’était un très bon conseil ! C’est avec lui que j’ai commencé mon initiation, il y a 14 ou 15 ans, puis je suis allée me former en France à la méthode Erickssonienne. J’ai d’abord pratiqué comme médecin généraliste, puis comme médecin urgentiste, un peu, et enfin, comme anesthésiste réanimateur. J’ai travaillé au Maroc, puis au Sénégal et enfin en France depuis 6 ans. Je travaille avec l’équipe hospitalo-universitaire du CHU Henri Mondor depuis seulement 3 ans.
Allez-vous pratiquer l’hypnose au Maroc également, ou former des praticiens ?
C’est dans mes projets. Je suis marocaine de racine et je reviens régulièrement ici. J’échange avec le corps médical assez régulièrement et je suis souvent sollicitée. J’ai participé ainsi à plusieurs caravanes médicales dont la dernière à Laâyoune avec l’Association marocaine pour l’environnement et la santé, mais uniquement pour des consultations en tant que médecin généraliste, disons. J’aimerais venir au Maroc de façon ponctuelle pour pratiquer l’hypnose médicale. J’ai déjà quelques contacts, mais rien n’est encore fait. Je pourrais aussi former des praticiens pour un travail en continu, mais je n’en dirais pas plus.
Julie Chaudier