L'hypnose est-elle efficace contre les douleurs liées au syndrome de l'intestin irritable ? - Santé Magazine
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Quand l’hypnose apaise la prise en charge à l’hôpital - Actu Soins
Un vendredi en fin de journée à l’entrée du bloc opératoire du service odontologie et traitement dentaire du CHU de Toulouse, Robin se prépare à subir une intervention qui nécessitera une anesthésie locale pour une extraction de racine.
Au bloc, tout est prêt, le praticien hospitalier Sara Laurencin l’attend, entourée de l’équipe médicale pour cette opération pas ordinaire.
« On éteint la radio s’il vous plaît », demande Jean-Marc Bergia l’infirmier, cadre de santé du service, qui va pratiquer l’hypnose en appui de l’opération. « L’hypnose est un outil de prise en charge qui se prête particulièrement aux patients très angoissés, aux phobiques dentaires et qui sert tout simplement à apaiser le temps du soin », explique l’infirmier.
« J’ai découvert cette pratique dès 2001 lorsque j’étais engagé dans la lutte contre la douleur. En arrivant dans le service du Professeur Franck Diemer, chirurgien dentiste qui pilote le DU d’hypnose médicale du CHU, j’ai eu envie de me former pour l’intégrer dans mon métier au quotidien », raconte-t-il.
Robin s’installe timidement sur le fauteuil en position allongée et Jean-Marc Bergia se place derrière lui.
Il commence à lui parler et ne s’arrêtera plus jusqu’à la fin de l’opération, 1h 20 plus tard. D’une voix calme, à un rythme très posé, Jean-Marc Bergia invite Robin à fixer un point là où il le souhaite. « Conservez ce point face à vos yeux et écoutez les bruits qui vous entourent (…) Pour plus de confort, vous pouvez fermer vos yeux et apprécier ce moment. Vous allez descendre l’escalier et ouvrir la porte magique, regarder cet espace qui vous entoure près du Pic du Midi ».
Le champ opératoire est posé, la phase d’induction est terminée, elle a permis à Robin d’entrer en état d’hypnose en quelques minutes. L’intervention peut commencer.
Le patient lâche prise plus facilement
Le Pic du Midi, la montagne, une descente en free ride au cœur des Pyrénées, c’est le thème que Robin a choisi lorsque Jean-Marc Bergia lui a proposé une prise en charge par l’hypnose.
C’est autour de ce thème qu’il maintiendra le dialogue avec lui pendant toute la durée de l’intervention. En hypnose conversationnelle il n’est pas question de prendre l’ascendant sur le patient, l’infirmier veillera donc à ne jamais perdre le contact avec lui.
« Le patient en état d’hypnose entend tout ce qu’il se passe autour de lui et reste conscient, mais il peut simplement lâcher prise plus facilement et se détendre, décrit Jean-Marc Bergia. Quant à moi, je ne choisis pas mes mots au hasard, je bannis tous les termes parasites et toutes les négations car je m’adresse au cerveau de l’inconscient. Ainsi au lieu de dire “ ne vous inquiétez pas ça ne vous fera pas mal ”, je lui dirai “ rassurez-vous, le soin sera confortable ”».
Si l’hypnose est fréquemment proposée dans les grands CHU de France, elle reste la plupart du temps cantonnée aux services d’urgences et de lutte contre la douleur.
En ce sens, la démarche du CHU de Toulouse est originale. Dans ce service qui accueille 150 patients par jour, une dizaine d’entre eux se voient proposer l’hypnose chaque semaine et tout est fait pour donner envie aux soignants de se former et de pratiquer.
Aujourd’hui pratiquement tous les PH adhèrent à la démarche et trois des sept infirmiers de l’équipe sont déjà formés. C’est le cas d’Isabelle Vettel, infirmière au bloc. « Tant que je n’étais pas formée, j’avais du mal à me positionner au sein de l’équipe, à savoir quoi dire et à être aidante pour les patients. Dans ma pratique il y a vraiment eu un avant et un après hypnose, » raconte-t-elle.
Une pratique revalorisante pour les soignants
Au-delà du côté un peu « magique » de l’hypnose, les soignants soulignent en effet l’aspect valorisant de la prise en charge.
« Au départ, il y a toujours un peu d’appréhension pour nous car on n’est jamais certains à 100 % qu’un patient sera réactif, et finalement on réalise que grâce à l’hypnose on réussit à lui donner confiance. On a l’impression de l’aider autant que de le soigner. Cela révèle une autre facette du métier d’infirmière », décrit Isabelle Vettel.
Autour de Robin Brossier, l’équipe continue de s’affairer et, pour ne pas gêner Jean-Marc Bergia dans son accompagnement, tous communiquent uniquement par signes.
L’opération est délicate, et nécessite « pas mal de couture », mais très détendu grâce à l’hypnose, Robin n’a aucun mouvement réflexe et n’aura besoin que d’une seule carpule d’anesthésique au lieu de quatre ou cinq, avec une prise en charge classique.
De son côté, Jean-Marc Bergia poursuit sa descente virtuelle du Pic du-Midi et il choisit judicieusement ses mots. Ni vitesse, ni risque, mais plutôt un récit de sensations confortables qui incitent le patient à rester zen : « Je vous laisse regarder tout autour de vous cet espace majestueux, observez la nature et cette fraiche poudreuse qui vous entoure, continuez à profiter de la douceur de vos appuis sur cette neige unique et de cette descente maitrisée, agréable (…) »
Préparer la cicatrisation
Une fois la racine extraite, la gencive est blanchâtre, le chirurgien fait signe à Jean-Marc d’adapter son discours pour réactiver la circulation sanguine quitte à ce que cela saigne un peu. Message reçu. « Faites en sorte que vous puissiez ouvrir toutes les vannes de votre corps et faites couler ce qu’il y a à faire couler, ouvrez en grand les robinets », enchaine-t-il.
« C’est l’un des avantages de l’hypnose, qui permet d’avoir une action naturelle et de jouer sur la capacité des vaisseaux à se vasodilater ou au contraire à se contracter en fonction de ce que l’on dit », expliquera–t-il plus tard.
L’hypnose permet aussi de préparer la cicatrisation future et d’anticiper l’hématome. « Toute l’énergie que vous avez emmagasinée aujourd’hui va favoriser la cicatrisation dans les jours à venir et permettre d’assainir peu à peu votre bouche. »
Au dernier point de suture, le chirurgien fait signe que l’on peut réveiller le patient. « Vous avez pu faire le plein d’énergie dans cette descente, vous allez pouvoir regagner la porte, montez une à une les marches de l’escalier, prenez une grande respiration, bougez vos bras, puis vos jambes (…) »
Robin s’assoit puis se lève et applique déjà contre sa joue la poche de froid que lui a donnée une infirmière. « Tout va bien, mangez autant de glace que vous voulez et dans deux jours ça ira très bien », l’encourage le docteur Laurencin.
Pour Robin, c’était une première. Verdict ? « J’étais dubitatif quand on me l’a proposé et j’avoue que ça m’a apporté plus de sérénité ; reconnaît le jeune homme. J’ai lâché prise, et tout ce que m’a raconté l’infirmier m’a permis de décrocher par rapport au bruit, toujours angoissant, des instruments et de mettre facilement des images sur tout ça. Je me suis laissé embarquer…»
Béatrice Girard
Cet article est paru dans le N°33 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2019).