Pourquoi l'hypnose a largement sa place aux urgences - Medscape
Paris, France – Au congrès Urgences 2016 , les Drs Nazmine Guler, Ahmed Laroui, et Sandrine Weber ont tous trois fait part de leur expérience, vidéo à l’appui, de la pratique de l’hypnose aux urgences et en Smur au CHR de Metz-Thionville. Depuis 2012, ils utilisent cette technique pour la prise en charge de la douleur aiguë et du stress, notamment lors de la réalisation de gestes techniques. Au vu des résultats obtenus, tant sur le bien-être des patients que sur le confort des urgentistes – sans parler du gain de temps et d’une moindre utilisation des thérapeutiques chimiques – , l’atelier qu’ils animaient sur le thème « Hypnose aux urgences : vous convaincre de vous former » a atteint son but.
Accéder à des compétences différentes
Difficile de définir ce qu’est l’état hypnotique (voir notre article sur l’hypnose thérapeutique), souvent vu sous l’angle de l’hypnose-spectacle. Sans doute la raison pour laquelle, le Dr Sandrine Weber a commencé par tordre le cou aux idées reçues : « ce n’est ni un sommeil (vérifié par électro-encéphalogramme), ni un voyage dans des vies antérieures. Encore moins un vol de la pensée, un lavage de cerveau ou un moyen de domination. Cela peut être de la relaxation mais pas forcément et c’est bien plus actif que juste de la détente » a affirmé l’urgentiste (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).
« Il s’agit plutôt d’accéder à des compétences différentes, mais qui sont naturelles, que l’on a tous en nous et que l’on expérimente 1 à 2 fois par jour lorsque l’on est absorbé par son activité – la conduite sur un trajet connu sans s’en rendre compte, par exemple, ou la pratique des jeux vidéo chez les enfants » explique sa collègue, le Dr Nazmine Guler (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).
L’Association américaine de psychologie définit l’état (ou transe) hypnotique comme un « état de conscience impliquant une attention focalisée et une moindre sensibilité à l’environnement caractérisé par une capacité accrue de réponse à la suggestion ». A l’hôpital, « cela revient à détourner le patient de sa blessure, de sa douleur » poursuit le Dr Guler, « et le focaliser par des suggestions sur quelque chose d’agréable pour lui (lieu sûr et agréable, activité favorite), du coup il devient moins réceptif à ce qui se passe alentour. Il a été démontré par différentes techniques (IRM, PET-Scan, potentiels évoqués somato-sensoriels) qu’un souvenir agréable vécu en état de transe hypnotique est plus proche de la réalité que s’il est vécu en imagination. Enfin, tout cela est sans risque pour le patient car il s’agit avant tout d’un état physiologique ».
Obtenir l’état de transe hypnotique repose en grande partie sur la relation médecin-patient. « C’est avant tout une technique, pas un don, précise le Dr Guler. Cela nécessite d’avoir la confiance du patient. »
Les urgences : l’endroit idéal pour l’hypnose
Si l’hypno-sédation et l’hypno-analgésie entrent peu à peu à l’hôpital, l’utilisation de l’hypnose aux urgences reste exceptionnelle. D’ailleurs, « nous n’avons recensé à ce jour aucune publication scientifique sur la pratique de l’hypnose aux urgences (si ce n’est des études de cas), affirment les deux urgentistes, qui mentionnent tout de même, dans le domaine des soins dentaires, une revue qui a comparé le confort des enfants lors d’une injection dans 3 situations (hypnose, relaxation et distraction) et montré l’intérêt de l’hypnose [2].
A la différence de son utilisation en anesthésie, l’hypnose aux urgences est, par définition, totalement improvisée. Pas question de consultation préparatoire, l’hypnose est pratiquée après que le patient se soit montré favorable à l’idée de la pratique de l’hypnose (ou de relaxation si le terme hypnose n’est pas utilisé).
Les trois médecins lorrains sont unanimes, contrairement aux idées reçues : les urgences sont l’endroit idéal pour l’hypnose. « Les patients sont en détresse aiguë, dans l’instinct de survie. L’adhésion est maximale (bien plus qu’en consultation) et les taux de résistance au plus bas,» témoigne le Dr Guler. « Les grands costauds disent qu’ils n’y croient pas mais ça marche super ! » renchérit le Dr Weber.
Dans quelles indications ? Si les douleurs aiguës, chroniques, l’anesthésie, les soins palliatifs, les troubles fonctionnels à expression somatiques (troubles digestifs, dermatologiques), l’anxiété (voir notre article) sont classiquement cités, les indications de l’hypnose thérapeutique aux urgences diffèrent un peu (voir encadré).
Vidéos (réalisées par les orateurs) à l’appui, les bénéfices de l’hypnose aux urgences sont sans appel : bien-être des patients – toujours très impressionnant –, gain de temps et moindre utilisation (voire absence) de thérapeutique chimique. Parmi les expériences les plus étonnantes, celle de cet enfant d’une dizaine d’années, allongé, éveillé et très calme, dont seuls les doigts bougent en un mouvement bien reconnaissable par les amateurs de « Gameboy » alors qu’il reçoit six points de suture pour une plaie au tibia, sans aucune sédation, ou encore cette femme chez qui le chirurgien réduit une luxation d‘épaule en seulement 6 minutes et sans surmédication alors qu’elle est en insuffisance rénale et dialysée …
Petit plus de la technique : « réalisée à un moment crucial, cette séance d’hypnose unique va marquer les patients très durablement, indique le Dr Weber. C’est pourquoi, nous leur disons qu’ils peuvent ré-utiliser l’ancrage choisi aux urgences (lieu sûr et agréable, activité favorite, musique) pour eux-mêmes sur un mode d’auto-hypnose à d’autres occasions, quand cela s’avère nécessaire. Et ce, tout au long de leur vie »
Accéder à des compétences différentes
Difficile de définir ce qu’est l’état hypnotique (voir notre article sur l’hypnose thérapeutique), souvent vu sous l’angle de l’hypnose-spectacle. Sans doute la raison pour laquelle, le Dr Sandrine Weber a commencé par tordre le cou aux idées reçues : « ce n’est ni un sommeil (vérifié par électro-encéphalogramme), ni un voyage dans des vies antérieures. Encore moins un vol de la pensée, un lavage de cerveau ou un moyen de domination. Cela peut être de la relaxation mais pas forcément et c’est bien plus actif que juste de la détente » a affirmé l’urgentiste (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).
« Il s’agit plutôt d’accéder à des compétences différentes, mais qui sont naturelles, que l’on a tous en nous et que l’on expérimente 1 à 2 fois par jour lorsque l’on est absorbé par son activité – la conduite sur un trajet connu sans s’en rendre compte, par exemple, ou la pratique des jeux vidéo chez les enfants » explique sa collègue, le Dr Nazmine Guler (hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville).
L’Association américaine de psychologie définit l’état (ou transe) hypnotique comme un « état de conscience impliquant une attention focalisée et une moindre sensibilité à l’environnement caractérisé par une capacité accrue de réponse à la suggestion ». A l’hôpital, « cela revient à détourner le patient de sa blessure, de sa douleur » poursuit le Dr Guler, « et le focaliser par des suggestions sur quelque chose d’agréable pour lui (lieu sûr et agréable, activité favorite), du coup il devient moins réceptif à ce qui se passe alentour. Il a été démontré par différentes techniques (IRM, PET-Scan, potentiels évoqués somato-sensoriels) qu’un souvenir agréable vécu en état de transe hypnotique est plus proche de la réalité que s’il est vécu en imagination. Enfin, tout cela est sans risque pour le patient car il s’agit avant tout d’un état physiologique ».
Obtenir l’état de transe hypnotique repose en grande partie sur la relation médecin-patient. « C’est avant tout une technique, pas un don, précise le Dr Guler. Cela nécessite d’avoir la confiance du patient. »
Les urgences : l’endroit idéal pour l’hypnose
Si l’hypno-sédation et l’hypno-analgésie entrent peu à peu à l’hôpital, l’utilisation de l’hypnose aux urgences reste exceptionnelle. D’ailleurs, « nous n’avons recensé à ce jour aucune publication scientifique sur la pratique de l’hypnose aux urgences (si ce n’est des études de cas), affirment les deux urgentistes, qui mentionnent tout de même, dans le domaine des soins dentaires, une revue qui a comparé le confort des enfants lors d’une injection dans 3 situations (hypnose, relaxation et distraction) et montré l’intérêt de l’hypnose [2].
A la différence de son utilisation en anesthésie, l’hypnose aux urgences est, par définition, totalement improvisée. Pas question de consultation préparatoire, l’hypnose est pratiquée après que le patient se soit montré favorable à l’idée de la pratique de l’hypnose (ou de relaxation si le terme hypnose n’est pas utilisé).
Les trois médecins lorrains sont unanimes, contrairement aux idées reçues : les urgences sont l’endroit idéal pour l’hypnose. « Les patients sont en détresse aiguë, dans l’instinct de survie. L’adhésion est maximale (bien plus qu’en consultation) et les taux de résistance au plus bas,» témoigne le Dr Guler. « Les grands costauds disent qu’ils n’y croient pas mais ça marche super ! » renchérit le Dr Weber.
Dans quelles indications ? Si les douleurs aiguës, chroniques, l’anesthésie, les soins palliatifs, les troubles fonctionnels à expression somatiques (troubles digestifs, dermatologiques), l’anxiété (voir notre article) sont classiquement cités, les indications de l’hypnose thérapeutique aux urgences diffèrent un peu (voir encadré).
Vidéos (réalisées par les orateurs) à l’appui, les bénéfices de l’hypnose aux urgences sont sans appel : bien-être des patients – toujours très impressionnant –, gain de temps et moindre utilisation (voire absence) de thérapeutique chimique. Parmi les expériences les plus étonnantes, celle de cet enfant d’une dizaine d’années, allongé, éveillé et très calme, dont seuls les doigts bougent en un mouvement bien reconnaissable par les amateurs de « Gameboy » alors qu’il reçoit six points de suture pour une plaie au tibia, sans aucune sédation, ou encore cette femme chez qui le chirurgien réduit une luxation d‘épaule en seulement 6 minutes et sans surmédication alors qu’elle est en insuffisance rénale et dialysée …
Petit plus de la technique : « réalisée à un moment crucial, cette séance d’hypnose unique va marquer les patients très durablement, indique le Dr Weber. C’est pourquoi, nous leur disons qu’ils peuvent ré-utiliser l’ancrage choisi aux urgences (lieu sûr et agréable, activité favorite, musique) pour eux-mêmes sur un mode d’auto-hypnose à d’autres occasions, quand cela s’avère nécessaire. Et ce, tout au long de leur vie »
Dr Ahmed Laroui, urgentiste, formé au CHTIP
« Autre amélioration d’un domaine très négligé : le confort du praticien », signale le Dr Ahmed Laroui, urgentiste et attaché au service de pédiatrie (hôpital Bel-Air, Centre Hospitalier Régional de Metz – Thionville). De là à dire que l’hypnose est aussi un moyen de lutter contre le burn-out, il n’y a qu’un pas. Car l’hypnose est bien plus qu’une simple technique.
« Gestuelle, empathie, reconnaissance du patient et de son ressenti douloureux, utilisation de termes positifs…Se former à l’hypnose, c’est changer sa façon de communiquer, c’est évoluer vers une communication « quasi parfaite » explique le Dr Weber.
Se former à l’hypnose, c’est changer sa façon de communiquer –
Dr Sandrine Weber
Exemple concret cité par le Dr Laroui : plutôt que dire à un enfant « Ne t’inquiète pas, tu n’auras pas mal, la douleur va partir », mieux vaut opter pour : « Sois calme, rassure-toi, je suis là pour t’aider, on va faire un bout de chemin ensemble ».
Avec une amélioration de la communication, c’est alors toute la relation à l’autre qui est modifiée : « quand le patient est plus calme, le praticien l’est aussi, et ça se répercute sur toute l’équipe » assure l’urgentiste.
Vaincre les « résistances » de l’administration
Pour autant, la pratique de l’hypnose aux urgences ne va pas de soi et s’il est facile de vaincre les «résistances» des patients, il en va autrement de celles de l’administration et des collègues. « Avant de faire des émules, nous avons affronté moqueries, grimaces, incompréhension. Nous étions vues comme des sorcières dans le service,.. mais on assume » déclarent en cœur (et avec le sourire) les Drs Guler et Weber. D’ailleurs, totalement convaincues du l'intérêt de leur démarche, toutes deux ont mis en place une étude randomisée en simple aveugle sur 170 patients qui évaluera l’impact d’une séance d’hypnose avant coronarographie sur l’anxiété et les paramètres hémodynamiques du patient et le confort du thérapeute. Condition sine qua none pour aller plus loin et obtenir l’ouverture d’une unité fonctionnelle d’hypnose au sein du CHR.
Dans quelles indications ? Si les douleurs aiguës, chroniques, l’anesthésie, les soins palliatifs, les troubles fonctionnels à expression somatiques (troubles digestifs, dermatologiques), l’anxiété (voir notre article) sont classiquement cités, les indications de l’hypnose thérapeutique aux urgences diffèrent un peu (voir encadré).
« Gestuelle, empathie, reconnaissance du patient et de son ressenti douloureux, utilisation de termes positifs…Se former à l’hypnose, c’est changer sa façon de communiquer, c’est évoluer vers une communication « quasi parfaite » explique le Dr Weber.
Se former à l’hypnose, c’est changer sa façon de communiquer –
Dr Sandrine Weber
Exemple concret cité par le Dr Laroui : plutôt que dire à un enfant « Ne t’inquiète pas, tu n’auras pas mal, la douleur va partir », mieux vaut opter pour : « Sois calme, rassure-toi, je suis là pour t’aider, on va faire un bout de chemin ensemble ».
Avec une amélioration de la communication, c’est alors toute la relation à l’autre qui est modifiée : « quand le patient est plus calme, le praticien l’est aussi, et ça se répercute sur toute l’équipe » assure l’urgentiste.
Vaincre les « résistances » de l’administration
Pour autant, la pratique de l’hypnose aux urgences ne va pas de soi et s’il est facile de vaincre les «résistances» des patients, il en va autrement de celles de l’administration et des collègues. « Avant de faire des émules, nous avons affronté moqueries, grimaces, incompréhension. Nous étions vues comme des sorcières dans le service,.. mais on assume » déclarent en cœur (et avec le sourire) les Drs Guler et Weber. D’ailleurs, totalement convaincues du l'intérêt de leur démarche, toutes deux ont mis en place une étude randomisée en simple aveugle sur 170 patients qui évaluera l’impact d’une séance d’hypnose avant coronarographie sur l’anxiété et les paramètres hémodynamiques du patient et le confort du thérapeute. Condition sine qua none pour aller plus loin et obtenir l’ouverture d’une unité fonctionnelle d’hypnose au sein du CHR.
Dans quelles indications ? Si les douleurs aiguës, chroniques, l’anesthésie, les soins palliatifs, les troubles fonctionnels à expression somatiques (troubles digestifs, dermatologiques), l’anxiété (voir notre article) sont classiquement cités, les indications de l’hypnose thérapeutique aux urgences diffèrent un peu (voir encadré).
A l’hôpital de Mantes-la-Jolie, l’hypnose entre au bloc - Le Parisien
Crédit photo LeParisien.fr
« Vous marchez dans la forêt. Vous sentez l’air sur votre visage, l’oxygène. Vous êtes bien… » Depuis un an, le personnel soignant de l’hôpital François-Quesnay de Mantes-la-Jolie s’est habitué à entendre ces mots en salle d’opération.
Le 15 juin 2015, Nathalie Hubert-Giauque, une généraliste-hypnothérapeute, débarquait à l’hôpital pour proposer l’hypnose en alternative à l’anesthésie générale. Un an plus tard, une centaine de personnes ont été accompagnées par cette spécialiste, notamment lors d’opérations de la chirurgie des yeux. C’est l’un des rares établissements en Ile-de-France à proposer cette technique de façon quasi systématique. « L’anesthésiste en discute toujours en amont avec le patient », confie Nathalie Hubert-Giauque.
En mai, David était opéré d’un lipome au niveau des côtes à l’hôpital de Mantes-la-Jolie. Lors du rendez-vous précédant l’intervention, l’anesthésiste lui propose l’hypnose. Le patient accepte et rencontre alors Nathalie Hubert-Giauque. « J’ai très vite joué le jeu car le corps médical m’a inspiré confiance, explique cet homme de 45 ans. Durant l’opération, j’ai toujours eu l’impression de contrôler ce que je faisais. Le médecin adaptait ses mots, son intonation aux gestes. Quand ils me passaient un produit sur le corps, elle me demandait de me jeter à l’eau. Quand ils s’apprêtaient à inciser ma peau, elle me disait de courir de plus en plus vite. En fait, mon cerveau était concentré à générer des images parallèles. Lorsqu’elle m’a dit, ouvrez les yeux, c’est fini, c’est comme s’il n’y avait rien eu. » Durant toute l’intervention, David est resté conscient. Il pouvait même discuter avec l’équipe médicale. Un élément, selon lui, indispensable au bien-être du malade. « Etre conscient permet d’avoir une relation sociale et humaine avec le bloc. Même pour les soignants, cela améliore le travail et le contact avec leurs patients. Et puis, en m’épargnant une anesthésie locale, j’ai pu sortir trois heures après mon opération. »
J’ai testé une séance d’hypnose
D’emblée, la voix de Nathalie Hubert-Giauque apaise. Allongé sur la table de consultation, je dois fixer un point sur le plafond. « Maintenant, vous allez respirer profondément cinq fois. Concentrez-vous sur l’air qui rentre et qui sort. Au bout des cinq respirations, fermez vos yeux. »
C’est fait. La voix se fait lancinante, un peu plus lointaine mais je n’entends qu’elle. En quelques secondes, elle est devenue mon unique repère sensoriel. Me voici totalement « soumis » au Dr Hubert-Giauque : elle me demande d’aller me promener dans une forêt où l’air est pur, où il fait chaud et où les mousses s’écrasent sous mes pas. J’y vais.
Au bout de quelques minutes, je perds tout tonus musculaire. Ma jambe un peu raide se relâche, mes mains suivent le mouvement. L’hypnose a ceci d’étrange qu’on se dit, tous, « si je veux, je peux ouvrir les yeux quand je veux. » Mais personne ne le fait… Je reste conscient mais mon cerveau s’est littéralement vidé en quelques secondes des pensées annexes. Ne reste que la forêt…
Nathalie Hubert-Giauque me demande maintenant de revenir dans son bureau. Je redescends lentement. « Ouvrez les yeux, maintenant. » Il faut se forcer un peu. Je viens de sortir de cet étrange sommeil avec une vitalité retrouvée. « J’ai vu que vous étiez très fatigué, je vous ai préparé quelque chose de revitalisant », sourit Nathalie Hubert-Giauque. Je n’aurai exceptionnellement pas eu besoin de café pour rester en forme ce jour-là…
Ce mercredi matin, la médecin accompagne trois patients dont deux opérés pour une cataracte. Après une légère anesthésie locale pour la douleur, ils sont hypnotisés. L’objectif est de les détendre et de lutter contre l’angoisse qui accompagne quiconque aperçoit une aiguille au-dessus de ses yeux… « Vous allez respirer cinq fois et fixer un point. Maintenant fermez, les yeux ! Vous vous promenez sur la plage, il fait bon… »
La voix du médecin, grave et apaisante, tranquillise en quelques secondes. Pendant ce temps, Anne Régis, la chirurgienne, se concentre sur le cristallin. Nathalie Hubert-Giauque guette les gestes du chirurgien et adapte ses intonations, en fonction du stress qu’ils engendrent. Dix minutes plus tard, c’est fini. Le patient est conscient (il l’a d’ailleurs toujours été) et s’entretient avec les médecins. « S’il avait subi une anesthésie générale, il aurait quitté le bloc sans que nous ayons pu discuter avec lui, témoigne Anne Régis. Pour les soignants, ça change tout », ajoute la chirurgienne, encouragée dans sa démarche par Samir Abada, son chef de service. La technique permet, en outre, d’éviter les désagréments de l’anesthésie générale : utilisation de médicaments, somnolence…
Quelques autres services l’ont essayé. Il y a quelques semaines, un patient a ainsi été opéré, sous hypnose, d’un lipome à l’abdomen. Mais malgré ses avantages, il existe encore certaines résistances chez les chirurgiens.
Le 15 juin 2015, Nathalie Hubert-Giauque, une généraliste-hypnothérapeute, débarquait à l’hôpital pour proposer l’hypnose en alternative à l’anesthésie générale. Un an plus tard, une centaine de personnes ont été accompagnées par cette spécialiste, notamment lors d’opérations de la chirurgie des yeux. C’est l’un des rares établissements en Ile-de-France à proposer cette technique de façon quasi systématique. « L’anesthésiste en discute toujours en amont avec le patient », confie Nathalie Hubert-Giauque.
En mai, David était opéré d’un lipome au niveau des côtes à l’hôpital de Mantes-la-Jolie. Lors du rendez-vous précédant l’intervention, l’anesthésiste lui propose l’hypnose. Le patient accepte et rencontre alors Nathalie Hubert-Giauque. « J’ai très vite joué le jeu car le corps médical m’a inspiré confiance, explique cet homme de 45 ans. Durant l’opération, j’ai toujours eu l’impression de contrôler ce que je faisais. Le médecin adaptait ses mots, son intonation aux gestes. Quand ils me passaient un produit sur le corps, elle me demandait de me jeter à l’eau. Quand ils s’apprêtaient à inciser ma peau, elle me disait de courir de plus en plus vite. En fait, mon cerveau était concentré à générer des images parallèles. Lorsqu’elle m’a dit, ouvrez les yeux, c’est fini, c’est comme s’il n’y avait rien eu. » Durant toute l’intervention, David est resté conscient. Il pouvait même discuter avec l’équipe médicale. Un élément, selon lui, indispensable au bien-être du malade. « Etre conscient permet d’avoir une relation sociale et humaine avec le bloc. Même pour les soignants, cela améliore le travail et le contact avec leurs patients. Et puis, en m’épargnant une anesthésie locale, j’ai pu sortir trois heures après mon opération. »
J’ai testé une séance d’hypnose
D’emblée, la voix de Nathalie Hubert-Giauque apaise. Allongé sur la table de consultation, je dois fixer un point sur le plafond. « Maintenant, vous allez respirer profondément cinq fois. Concentrez-vous sur l’air qui rentre et qui sort. Au bout des cinq respirations, fermez vos yeux. »
C’est fait. La voix se fait lancinante, un peu plus lointaine mais je n’entends qu’elle. En quelques secondes, elle est devenue mon unique repère sensoriel. Me voici totalement « soumis » au Dr Hubert-Giauque : elle me demande d’aller me promener dans une forêt où l’air est pur, où il fait chaud et où les mousses s’écrasent sous mes pas. J’y vais.
Au bout de quelques minutes, je perds tout tonus musculaire. Ma jambe un peu raide se relâche, mes mains suivent le mouvement. L’hypnose a ceci d’étrange qu’on se dit, tous, « si je veux, je peux ouvrir les yeux quand je veux. » Mais personne ne le fait… Je reste conscient mais mon cerveau s’est littéralement vidé en quelques secondes des pensées annexes. Ne reste que la forêt…
Nathalie Hubert-Giauque me demande maintenant de revenir dans son bureau. Je redescends lentement. « Ouvrez les yeux, maintenant. » Il faut se forcer un peu. Je viens de sortir de cet étrange sommeil avec une vitalité retrouvée. « J’ai vu que vous étiez très fatigué, je vous ai préparé quelque chose de revitalisant », sourit Nathalie Hubert-Giauque. Je n’aurai exceptionnellement pas eu besoin de café pour rester en forme ce jour-là…
Ce mercredi matin, la médecin accompagne trois patients dont deux opérés pour une cataracte. Après une légère anesthésie locale pour la douleur, ils sont hypnotisés. L’objectif est de les détendre et de lutter contre l’angoisse qui accompagne quiconque aperçoit une aiguille au-dessus de ses yeux… « Vous allez respirer cinq fois et fixer un point. Maintenant fermez, les yeux ! Vous vous promenez sur la plage, il fait bon… »
La voix du médecin, grave et apaisante, tranquillise en quelques secondes. Pendant ce temps, Anne Régis, la chirurgienne, se concentre sur le cristallin. Nathalie Hubert-Giauque guette les gestes du chirurgien et adapte ses intonations, en fonction du stress qu’ils engendrent. Dix minutes plus tard, c’est fini. Le patient est conscient (il l’a d’ailleurs toujours été) et s’entretient avec les médecins. « S’il avait subi une anesthésie générale, il aurait quitté le bloc sans que nous ayons pu discuter avec lui, témoigne Anne Régis. Pour les soignants, ça change tout », ajoute la chirurgienne, encouragée dans sa démarche par Samir Abada, son chef de service. La technique permet, en outre, d’éviter les désagréments de l’anesthésie générale : utilisation de médicaments, somnolence…
Quelques autres services l’ont essayé. Il y a quelques semaines, un patient a ainsi été opéré, sous hypnose, d’un lipome à l’abdomen. Mais malgré ses avantages, il existe encore certaines résistances chez les chirurgiens.
A l’hôpital Trousseau, ambiance zen au bloc opératoire - Le Parisien
L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris organise la 3e édition de ses portes ouvertes vendredi et samedi. A cette occasion, nous vous proposons de découvrir en avant-première des lieux, activités ou innovations qui y seront présentées. Aujourd’hui, Trousseau, ses nouveaux blocs pédiatriques et ses alternatives à l’anesthésie.
Lorsqu’ils ouvrent les yeux, encore un peu sonnés, encore emmaillotés sous les draps de bloc opératoire, ils voient d’abord du bleu. Puis une banderole pastel finement dessinée qui leur souhaite un « bon réveil ». Ces tons clairs choisis pour habiller la salle de réveil du nouveau bloc opératoire pédiatrique de l’hôpital Armand-Trousseau (XIIe) ne doivent rien au hasard. Pas plus que les murs ronds et la fresque animalière de la salle d’arrivée, le vert pomme des couloirs et surtout la « salle zen », espace central totalement innovant créé au cœur même du bloc, comme un sas de préparation entre les six salles d’opération équipées « high-tech ».
Trois semaines à peine après l’ouverture du nouveau bloc pédiatrique, entièrement reconstruit, restructuré et hissé d’un étage, les équipes trouvent leur marque avec un zeste de légèreté inédit. « Le plus novateur, en fait, c’est l’ambiance », sourit le Pr Isabelle Constant, chef du service d’anesthésie-réanimation. « L’accueil de l’enfant au bloc est très important. Pour le concevoir, nous avons cherché l’enfant qui est en nous. »
L’hypnose pour les enfants
Plus qu’un décor, il fallait « une atmosphère », un peu ludique mais pas trop, des couleurs vives mais pas agressives. Beaucoup de technologie et, plus encore, la possibilité de valoriser et développer ce qui fait la réputation de Trousseau : ses méthodes innovantes d’anesthésie et de prévention de la douleur de l’enfant, de l’hypnose au visiocasque 3D pour distraire les jeunes patients.
C’est la vocation de la fameuse salle spontanément baptisée « salle zen », à l’éclairage modulable, avec musique relaxante et alcôve dédiée à l’hypnose. Selon le Pr Constant, cette salle « n’existe nulle part ailleurs ». Elle va permettre de « mettre en œuvre toutes les techniques, quelle que soit la méthode d’anesthésie choisie, en essayant de transformer une étape assez anxiogène en moment le plus serein possible. »
A Trousseau, en 15 ans, l’hypnose est notamment devenue une pratique courante, à laquelle se sont formés plusieurs médecins anesthésistes et de nombreux infirmiers. « Le grand avantage de l’hypnose ou du casque 3D, c’est qu’ils permettent d’éviter des anesthésies générales, autrefois nécessaires parce qu’un enfant ne maîtrise pas comme un adulte ses émotions lors d’un acte chirurgical », souligne la médecin. « Aujourd’hui, c’est devenu systématique par exemple en orthopédie pour des fractures. Et les parents sont de plus en plus demandeurs, au regard des risques jamais anodins de l’anesthésie. »
Découverte des nouveaux blocs opératoires, des méthodes innovantes de la « salle zen » et de la prise en charge de la douleur, samedi à 14 heures, 15 heures et 15 h 45, au 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter (XIIe). M° Bel-Air.
Lorsqu’ils ouvrent les yeux, encore un peu sonnés, encore emmaillotés sous les draps de bloc opératoire, ils voient d’abord du bleu. Puis une banderole pastel finement dessinée qui leur souhaite un « bon réveil ». Ces tons clairs choisis pour habiller la salle de réveil du nouveau bloc opératoire pédiatrique de l’hôpital Armand-Trousseau (XIIe) ne doivent rien au hasard. Pas plus que les murs ronds et la fresque animalière de la salle d’arrivée, le vert pomme des couloirs et surtout la « salle zen », espace central totalement innovant créé au cœur même du bloc, comme un sas de préparation entre les six salles d’opération équipées « high-tech ».
Trois semaines à peine après l’ouverture du nouveau bloc pédiatrique, entièrement reconstruit, restructuré et hissé d’un étage, les équipes trouvent leur marque avec un zeste de légèreté inédit. « Le plus novateur, en fait, c’est l’ambiance », sourit le Pr Isabelle Constant, chef du service d’anesthésie-réanimation. « L’accueil de l’enfant au bloc est très important. Pour le concevoir, nous avons cherché l’enfant qui est en nous. »
L’hypnose pour les enfants
Plus qu’un décor, il fallait « une atmosphère », un peu ludique mais pas trop, des couleurs vives mais pas agressives. Beaucoup de technologie et, plus encore, la possibilité de valoriser et développer ce qui fait la réputation de Trousseau : ses méthodes innovantes d’anesthésie et de prévention de la douleur de l’enfant, de l’hypnose au visiocasque 3D pour distraire les jeunes patients.
C’est la vocation de la fameuse salle spontanément baptisée « salle zen », à l’éclairage modulable, avec musique relaxante et alcôve dédiée à l’hypnose. Selon le Pr Constant, cette salle « n’existe nulle part ailleurs ». Elle va permettre de « mettre en œuvre toutes les techniques, quelle que soit la méthode d’anesthésie choisie, en essayant de transformer une étape assez anxiogène en moment le plus serein possible. »
A Trousseau, en 15 ans, l’hypnose est notamment devenue une pratique courante, à laquelle se sont formés plusieurs médecins anesthésistes et de nombreux infirmiers. « Le grand avantage de l’hypnose ou du casque 3D, c’est qu’ils permettent d’éviter des anesthésies générales, autrefois nécessaires parce qu’un enfant ne maîtrise pas comme un adulte ses émotions lors d’un acte chirurgical », souligne la médecin. « Aujourd’hui, c’est devenu systématique par exemple en orthopédie pour des fractures. Et les parents sont de plus en plus demandeurs, au regard des risques jamais anodins de l’anesthésie. »
Découverte des nouveaux blocs opératoires, des méthodes innovantes de la « salle zen » et de la prise en charge de la douleur, samedi à 14 heures, 15 heures et 15 h 45, au 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter (XIIe). M° Bel-Air.
Guingamp. Hôpital de Guingamp : « J'ai été opérée sous hypnose » « Article « L'Echo de l'Armor et de l'Argoat
Crédit photo L'Echo
Au centre hospitalier de Guingamp, on pratique l'hypnose, une méthode qui permet « d'amener le patient ailleurs ».
Au centre hospitalier de Guingamp, on pratique l’hypnose ; une méthode qui permet « d’amener le patient ailleurs » durant les opérations. L’établissement a ouvert ses portes à notre rédaction.
Au bloc opératoire de l’hôpital de Guingamp, c’est un bouillonnement permanent. Les téléphones sonnent. Les portes automatiques s’ouvrent et se ferment sans cesse. Les personnels se croisent et échangent des consignes, des sourires. Quelques traits d’humour, aussi, pour se détendre avant un nouveau moment de concentration. Les brancardiers vont et viennent. C’est l’effervescence.
Mais dans l’une des salles d’opération, toute cette vie à cent à l’heure, normalement bruyante, se réduit à des gestes lents. A des murmures. A quelques chuchotements et au langage des signes. Dans cette pièce, une patiente subit une cimentoplastie sous hypnose (injection de ciment au niveau d’une vertèbre). C’est le Dr Daumas, chirurgien orthopédiste, qui opère. Un acte qui nécessite une extrême précision, à proximité de la colonne vertébrale.
S’il n’y a pas un bruit dans la pièce, ce n’est pas uniquement pour que le chirurgien puisse se concentrer sur son intervention. C’est aussi pour que rien ne vienne perturber le processus d’hypnose entamé auprès de la patiente. Des tiroirs qui claquent, un plastique durement froissé, quelques phrases prononcées trop fort, des mouvements trop brusques risqueraient de perturber le travail de toute une équipe. La musique irlandaise diffusée dans la pièce ne dérange pas la patiente, au contraire elle la rassure. C’est elle qui l’a choisie, l’un de ses groupes préférés. Le patient replonge dans ses souvenirs
Sophie Dupont, infirmière anesthésiste formée à l’hypnose (lire ci-dessous), se tient assise en bout de la table d’opération. Sa tête est avancée contre celle de la patiente, allongée sur le ventre. Sophie lui demande de lui parler de bons souvenirs. La jeune retraitée évoque le jardin, les cassis, les figues, les mirabelles. Elle pense à son chat aussi, à la nature, aux feuillages verts. Elle évoque également un voyage au bout du monde qui l’a beaucoup marquée. Toutes ces confidences proviennent d’une simple question : « Si vous n’étiez pas ici, où aimeriez-vous être ? » Tout est si intime, qu’on voit juste les lèvres des deux femmes bouger. On perçoit à peine le son de leurs voix, couvert par le ronronnement, pourtant très léger, des appareils électriques.
Pendant ce temps le chirurgien s’affaire à son oeuvre, ses outils enfoncés avec une précision d’horloger dans le dos de la patiente. Il contrôle régulièrement l’avancement de son travail grâce aux radios, qui apparaissent sur les écrans lumineux qui l’entourent. Tout se déroule très bien. Un pouce levé entre l’infirmière anesthésiste et le docteur, le confirme.
Après 45 minutes, l’opération est terminée. La lumière, tamisée en cours d’opération pour une meilleure lecture des écrans, va retrouver son intensité. Sur le brancard qui reconduit la patiente à sa chambre, les deux femmes échangent une dernière parole : elles reparlent du bon goût des des fraises du jardin de madame, qui ont été le fil conducteur de toute l’intervention sous hypnose…
Les chirurgiens apprécient
Le Dr Daumas, qui exerce également à Saint-Brieuc, reconnaît qu’il apprécie opérer un patient placé sous hypnose, expliquant notamment que « l’ambiance feutrée et calme de la salle d’opération, c’est agréable pour le patient mais aussi pour l’ensemble de l’équipe ». Son confrère gynécologue-obstétricien, Dorin Ionesco, insiste sur le « respect mutuel » qui existe entre les différents corps de métiers impliqués. « Le chirurgien doit savoir attendre s’il y a une réaction du patient. Nous devons aussi adapter nos façons de faire, comme par exemple ne pas mettre des produits froids sur la peau et toujours avoir des gestes doux. »
Au centre hospitalier de Guingamp, on pratique l’hypnose ; une méthode qui permet « d’amener le patient ailleurs » durant les opérations. L’établissement a ouvert ses portes à notre rédaction.
Au bloc opératoire de l’hôpital de Guingamp, c’est un bouillonnement permanent. Les téléphones sonnent. Les portes automatiques s’ouvrent et se ferment sans cesse. Les personnels se croisent et échangent des consignes, des sourires. Quelques traits d’humour, aussi, pour se détendre avant un nouveau moment de concentration. Les brancardiers vont et viennent. C’est l’effervescence.
Mais dans l’une des salles d’opération, toute cette vie à cent à l’heure, normalement bruyante, se réduit à des gestes lents. A des murmures. A quelques chuchotements et au langage des signes. Dans cette pièce, une patiente subit une cimentoplastie sous hypnose (injection de ciment au niveau d’une vertèbre). C’est le Dr Daumas, chirurgien orthopédiste, qui opère. Un acte qui nécessite une extrême précision, à proximité de la colonne vertébrale.
S’il n’y a pas un bruit dans la pièce, ce n’est pas uniquement pour que le chirurgien puisse se concentrer sur son intervention. C’est aussi pour que rien ne vienne perturber le processus d’hypnose entamé auprès de la patiente. Des tiroirs qui claquent, un plastique durement froissé, quelques phrases prononcées trop fort, des mouvements trop brusques risqueraient de perturber le travail de toute une équipe. La musique irlandaise diffusée dans la pièce ne dérange pas la patiente, au contraire elle la rassure. C’est elle qui l’a choisie, l’un de ses groupes préférés. Le patient replonge dans ses souvenirs
Sophie Dupont, infirmière anesthésiste formée à l’hypnose (lire ci-dessous), se tient assise en bout de la table d’opération. Sa tête est avancée contre celle de la patiente, allongée sur le ventre. Sophie lui demande de lui parler de bons souvenirs. La jeune retraitée évoque le jardin, les cassis, les figues, les mirabelles. Elle pense à son chat aussi, à la nature, aux feuillages verts. Elle évoque également un voyage au bout du monde qui l’a beaucoup marquée. Toutes ces confidences proviennent d’une simple question : « Si vous n’étiez pas ici, où aimeriez-vous être ? » Tout est si intime, qu’on voit juste les lèvres des deux femmes bouger. On perçoit à peine le son de leurs voix, couvert par le ronronnement, pourtant très léger, des appareils électriques.
Dans un état de conscience modifiéMême si l’on croit percevoir des signes d’endormissement, la patiente gardera toujours un oeil ouvert durant l’opération. Elle est « dans un état de conscience modifié », à tel point qu’elle aura parfois du mal à parler.
Pendant ce temps le chirurgien s’affaire à son oeuvre, ses outils enfoncés avec une précision d’horloger dans le dos de la patiente. Il contrôle régulièrement l’avancement de son travail grâce aux radios, qui apparaissent sur les écrans lumineux qui l’entourent. Tout se déroule très bien. Un pouce levé entre l’infirmière anesthésiste et le docteur, le confirme.
Après 45 minutes, l’opération est terminée. La lumière, tamisée en cours d’opération pour une meilleure lecture des écrans, va retrouver son intensité. Sur le brancard qui reconduit la patiente à sa chambre, les deux femmes échangent une dernière parole : elles reparlent du bon goût des des fraises du jardin de madame, qui ont été le fil conducteur de toute l’intervention sous hypnose…
Les chirurgiens apprécient
Le Dr Daumas, qui exerce également à Saint-Brieuc, reconnaît qu’il apprécie opérer un patient placé sous hypnose, expliquant notamment que « l’ambiance feutrée et calme de la salle d’opération, c’est agréable pour le patient mais aussi pour l’ensemble de l’équipe ». Son confrère gynécologue-obstétricien, Dorin Ionesco, insiste sur le « respect mutuel » qui existe entre les différents corps de métiers impliqués. « Le chirurgien doit savoir attendre s’il y a une réaction du patient. Nous devons aussi adapter nos façons de faire, comme par exemple ne pas mettre des produits froids sur la peau et toujours avoir des gestes doux. »
L'hypnose, ce n'est pas que du spectacle! - Santé - Notre Temps
Crédit photo Notre Temps
Intervention chirurgicale, addiction, stress... Le plan physique qu’au niveau psychique.
Très pratiquée par les grands psychiatres et neurologues de la fin du XIXe siècle, l’hypnose avait pourtant fini par disparaître de l’horizon médical.
En juin 2015, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié un rapport sur son efficacité dans plusieurs domaines: les troubles psychiques, digestifs, les addictions, la chirurgie, la douleur... Le point sur ses principaux bénéfices avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, praticien hospitalier en centres de la douleur à Paris, et le Dr Dominique Mendy, anesthésiste à Angoulême.
• Contre les douleurs chroniques
Devant l’échec des médicaments pour traiter céphalées, troubles des terminaisons nerveuses, mal de dos..., des médecins ont recours à l’hypnose.
Comment ça se passe? Le praticien invite, par exemple, la personne à s’imaginer avec des gens qu’elle aime, à se sentir bien. Elle secrète moins d’adrénaline mais plus d’endorphine et de dopamine qui soulagent. Elle se décentre aussi d’une sensation négative obsessionnelle. Un homme qui consultait pour des céphalées de tension rapportait, à la 2e séance, qu’il supportait mieux ses migraines et devenait plus patient avec ses enfants. Il avait établi un lien entre son exigence excessive à leur égard et ses douleurs.
Les bénéfices: L’hypnoanalgésie n’agit pas ici comme un médicament, mais modifie le contexte global, permettant de changer le rapport à la douleur pour qu’elle soit moins invalidante. La prise de médicaments peut ensuite diminuer.
• En cas d’intervention chirurgicale
Stress avant une intervention chirurgicale et une anesthésie? Pas envie d’être groggy par trop de sédatifs? L’hypnosédation offre une alternative, mais aussi pour faire face à des douleurs aiguës, notamment en cas de soins dentaires.
Comment ça se passe? Il faut en parler à l’anesthésiste lors de la consultation préalable obligatoire. Si celui-ci pratique l’hypnose, il peut proposer un test pour voir si le patient répond bien. Le jour J, deux possibilités se présentent.
L’hypnose aide le patient à se détendre, puis les sédatifs classiques sont injectés pour une intervention conséquente. Ou bien il s’agit d’une chirurgie de surface, et l’hypnose peut remplacer les anesthésiants mais, bien sûr, les produits restent prêts pour une injection immédiate en cas de besoin. Une technique comparable est utilisée pour des soins dentaires, sauf que la personne pratique seule l’auto-hypnose à laquelle elle aura été préparée par suggestion et formée en séance préalable.
Les bénéfices: Les interventions sous hypnose sont toujours mieux vécues. La technique facilite le réveil et permet aussi de mieux gérer les douleurs post-opératoires. Il n’est pas rare que les patients se passent d’antalgiques ensuite.
• Contre les troubles digestifs
Douleurs au ventre, ballonnements, constipation ou diarrhées caractérisent le syndrome du colon irritable, de plus en plus traité par l’hypnose.
Comment ça se passe? La méthode consiste à tisser un lien avec la personne et à l’inviter à entrer en contact avec la douleur abdominale. Un jour, il a été proposé à une dame de choisir entre expulser ce qui la faisait souffrir (par l’opération), ou vivre avec. Il lui a ensuite été demandé si elle "expulsait" ses enfants et petits-enfants quand ils lui causaient des soucis. Non! a-t-elle dit. Sous hypnose, elle a alors vécu des situations d’accueil et, par analogie, elle a réussi à gérer son problème sans se faire opérer.
Les bénéfices: Le rapport de l’Inserm a confirmé que "des séances régulières d’hypnothérapie limitent les symptômes digestifs". Les troubles sont plus facilement tolérés et des interventions chirurgicales prévues sont parfois rediscutées.
• Contre l’anxiété, le stress et les phobies
L’angoisse prend des formes propres à chacun. Elle résulte parfois d’une blessure ancienne, d’un traumatisme ou d’une situation présente difficile pouvant entraîner phobies, irritabilité ou troubles du sommeil par sur-réaction face au réel.
Comment ça se passe? Le but est de ré-accorder le patient avec la réalité. Face à la peur des transports, par exemple, il est possible de demander à la personne si un sac ou un fauteuil peut avoir peur. La réponse est bien évidemment non.
Très pratiquée par les grands psychiatres et neurologues de la fin du XIXe siècle, l’hypnose avait pourtant fini par disparaître de l’horizon médical.
En juin 2015, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié un rapport sur son efficacité dans plusieurs domaines: les troubles psychiques, digestifs, les addictions, la chirurgie, la douleur... Le point sur ses principaux bénéfices avec le Dr Jean-Marc Benhaiem, praticien hospitalier en centres de la douleur à Paris, et le Dr Dominique Mendy, anesthésiste à Angoulême.
• Contre les douleurs chroniques
Devant l’échec des médicaments pour traiter céphalées, troubles des terminaisons nerveuses, mal de dos..., des médecins ont recours à l’hypnose.
Comment ça se passe? Le praticien invite, par exemple, la personne à s’imaginer avec des gens qu’elle aime, à se sentir bien. Elle secrète moins d’adrénaline mais plus d’endorphine et de dopamine qui soulagent. Elle se décentre aussi d’une sensation négative obsessionnelle. Un homme qui consultait pour des céphalées de tension rapportait, à la 2e séance, qu’il supportait mieux ses migraines et devenait plus patient avec ses enfants. Il avait établi un lien entre son exigence excessive à leur égard et ses douleurs.
Les bénéfices: L’hypnoanalgésie n’agit pas ici comme un médicament, mais modifie le contexte global, permettant de changer le rapport à la douleur pour qu’elle soit moins invalidante. La prise de médicaments peut ensuite diminuer.
• En cas d’intervention chirurgicale
Stress avant une intervention chirurgicale et une anesthésie? Pas envie d’être groggy par trop de sédatifs? L’hypnosédation offre une alternative, mais aussi pour faire face à des douleurs aiguës, notamment en cas de soins dentaires.
Comment ça se passe? Il faut en parler à l’anesthésiste lors de la consultation préalable obligatoire. Si celui-ci pratique l’hypnose, il peut proposer un test pour voir si le patient répond bien. Le jour J, deux possibilités se présentent.
L’hypnose aide le patient à se détendre, puis les sédatifs classiques sont injectés pour une intervention conséquente. Ou bien il s’agit d’une chirurgie de surface, et l’hypnose peut remplacer les anesthésiants mais, bien sûr, les produits restent prêts pour une injection immédiate en cas de besoin. Une technique comparable est utilisée pour des soins dentaires, sauf que la personne pratique seule l’auto-hypnose à laquelle elle aura été préparée par suggestion et formée en séance préalable.
Les bénéfices: Les interventions sous hypnose sont toujours mieux vécues. La technique facilite le réveil et permet aussi de mieux gérer les douleurs post-opératoires. Il n’est pas rare que les patients se passent d’antalgiques ensuite.
• Contre les troubles digestifs
Douleurs au ventre, ballonnements, constipation ou diarrhées caractérisent le syndrome du colon irritable, de plus en plus traité par l’hypnose.
Comment ça se passe? La méthode consiste à tisser un lien avec la personne et à l’inviter à entrer en contact avec la douleur abdominale. Un jour, il a été proposé à une dame de choisir entre expulser ce qui la faisait souffrir (par l’opération), ou vivre avec. Il lui a ensuite été demandé si elle "expulsait" ses enfants et petits-enfants quand ils lui causaient des soucis. Non! a-t-elle dit. Sous hypnose, elle a alors vécu des situations d’accueil et, par analogie, elle a réussi à gérer son problème sans se faire opérer.
Les bénéfices: Le rapport de l’Inserm a confirmé que "des séances régulières d’hypnothérapie limitent les symptômes digestifs". Les troubles sont plus facilement tolérés et des interventions chirurgicales prévues sont parfois rediscutées.
• Contre l’anxiété, le stress et les phobies
L’angoisse prend des formes propres à chacun. Elle résulte parfois d’une blessure ancienne, d’un traumatisme ou d’une situation présente difficile pouvant entraîner phobies, irritabilité ou troubles du sommeil par sur-réaction face au réel.
Comment ça se passe? Le but est de ré-accorder le patient avec la réalité. Face à la peur des transports, par exemple, il est possible de demander à la personne si un sac ou un fauteuil peut avoir peur. La réponse est bien évidemment non.