Hypnoscope Juillet 2016 - Actualités Thérapeutiques



Sarcelles : l’hypnose pour soulager les patients atteints du cancer - Le Parisien

« Ce n’est pas un état de sommeil mais un état de conscience modifiée.» De sa voix posée, Nathalie Pommier, 31 ans, énonce ce qu’est l’hypnose. La trentenaire, manipulatrice en radiothérapie au Centre de cancérologie de Paris nord à Sarcelles, propose d’hypnotiser les patients qui viennent recevoir leur dose de rayons.
Ce n’est pas de la magie. Au contraire, cela permet aux patients de mieux vivre les effets secondaires dus aux radiations. « Cela les aide aussi à se détendre », ajoute la professionnelle. Le patient va aller chercher au fond de lui-même des ressources pour se dissocier de son symptôme et le percevoir différemment. »
Depuis six ans, Nathalie Pommier travaille dans cet hôpital privé. Son métier consiste à installer les patients sur les machines, à les mettre en marche pour administrer la dose de rayons prescrite. Mais elle voulait offrir plus. « Je me suis dit que l’hypnose avait toute la place en cancérologie. Le métier de manipulateur est très technique. Je voulais aider les patients au-delà du traitement. »
Elle ne force personne et évacue, au passage, les idées reçues. « Ce n’est pas le praticien qui emmène le patient là où il veut. C’est le patient qui le fait. » Soit elle, soit ses collègues, repèrent des personnes qui pourraient tirer un bénéfice de l’hypnose et leur propose.
 
 Ainsi, elle raconte l’histoire de cet homme qui devait porter un masque entourant et immobilisant toute sa tête lors des trente-cinq séances programmées. Or il était claustrophobe. « Il ne supportait pas. Avant l’hypnose, il prenait des calmants. Après il n’en prenait plus. »
 
L’un des cancérologues du service, le Dr Cyril Laporte, est formel : « sans l’hypnose, ce patient n’aurait jamais pu suivre les séances de radiothérapie. » Pour l’heure, la manipulatrice est en formation jusqu’en 2017. Mais les enseignants l’incitent à pratiquer. Au centre de cancérologie, on envisage de développer la pratique avec « une ou deux demi-journées par semaine réservées à l’hypnose », conclut le cancérologue.

Comment se passe une séance ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Nathalie Pommier commence par prendre beaucoup de temps pour découvrir son patient. Elle s’assied de trois quarts par rapport à lui. « Je lui pose des questions sur sa vie, son métier, sur ses passions. Si c’est quelqu’un de plutôt visuel, auditif… » Ça l’aide pour la suite.
Après tout se passe par la parole. « Il n’y a pas de formule particulière. Il faut parler de manière positive et toujours laisser le choix. » La praticienne demande au patient de se focaliser sur un point visuel dans le bureau où se fait la séance ou alors sur son corps ou ses sensations. C’est ainsi que Nathalie Pommier arrive à détendre le patient mais aussi à faire diminuer la douleur. « On peut utiliser un stylo pour faire croire qu’on administre un anesthésiant. »
Ou alors, c’est la technique du « gant » qui est utilisée. « Je lui demande d’enfiler un gant imaginaire. Un gant doté d’un pouvoir anesthésiant. Et ce gant petit à petit va l’aider à ressentir l’anesthésie qui va se transmettre à la zone douloureuse. Soit il touchera cette zone, soit cela se fera par déplacement mental de l’anesthésie. » L’hypnose induit une distorsion du temps. C’est ainsi que Nathalie Pommier sait si le patient est entré en hypnose. « Il ne sait jamais combien de temps il est parti dans sa petite bulle. »
Les séances durent une heure pour quinze à vingt minutes d’hypnose à proprement parler. Il faut ensuite revenir à la réalité. Une phase qui demande du temps et qu’il ne faut pas négliger.
Sébastien Roselé

 
 

L’hypnose comme thérapie antidouleur pour les grands brûlés - Allo Médecins

Le recours à l’hypnose est de plus en plus courant dans le milieu hospitalier pour soulager les patients mais aussi pour stimuler leur guérison. Au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois à Lausanne, en Suisse, l’unité des grands brûlés l’utilise au quotidien afin d’aider les patients à mieux gérer la douleur. 

L’hypnose, des avantages sur le plan médical et économique

A leur arrivée à l’hôpital, les patients souffrant de brûlures graves se trouvent souvent dans un état mêlant peur et angoisse. Dans la majorité des cas, ils cherchent à être soulagés rapidement de leurs douleurs. L’hypnose constitue un moyen efficace pour y parvenir. Elle permet en plus de bloquer l’inflammation selon une étude de Chapman, Goodell et Wolf en 1959.
Par ailleurs, une étude menée par le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois a démontré que l’hypnose réduit le temps de convalescence des grands brûlés en accélérant leur guérison. De même, les interventions nécessitant une anesthésie ont baissé de 21%. En termes de coût, cela a permis à cet établissement d’économiser près de 17 500 euros par patient.
D’après les résultats de cette étude, publiés dans la revue Burns, les grands brûlés traités par hypnose ont vu baisser significativement leur peur, leur anxiété, la durée de leur séjour dans l’unité des soins intensifs et la quantité d’antidouleurs administrés. Convaincu de l’efficacité de l’hypnose, le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois envisage aujourd’hui d’étendre son utilisation à d’autres départements.

L’hypnose, une action comparable à celle de la morphine

La médecine moderne est devenue techno-centrique. Le patient n’occupe plus désormais une place centrale dans les différentes thérapies destinées à le soigner. D’après le Dr Eric Bonvin, psychiatre spécialiste de l’hypnose et professeur à l’Université de Lausanne, l’hypnose serait un moyen pour la rendre plus humaine. L’hypnose soulage la douleur, atténue la gravité de la brûlure et augmente la satisfaction du malade.
Pour produire de tels résultats, l’hypnose agit directement sur le cerveau en activant les zones de l’imagination. Or, l’imagination est d’une grande efficacité contre la peur et la douleur. En d’autres termes, l’action de l’hypnose est comparable à celle de la morphine. Elle agit sur les récepteurs pour modifier la perception de la douleur ou l’éliminer totalement.
Malgré son efficacité dans de nombreuses situations, et même sur les sceptiques, l’hypnose a toutefois quelques limites. Il est fortement recommandé de ne pas l’utiliser sur les personnes âgées victimes de brûlures graves et se trouvant dans un état de confusion. Il en est de même des sujets qui sont sous l’influence de la drogue. 
 

EMDR : une réussite inexpliquée. Pr Cyril Tarquinio... Sciences Humaines

Découverte fortuitement, cette psychothérapie basée sur des mouvements oculaires s’est imposée dans le traitement du traumatisme… alors que son principe reste inexplicable !
 
C’est à Francine Shapiro que l’on doit la découverte et le développement de la psychothérapie EMDR (eye movement desensitization and reprocessing, désensibilisation et reprogrammation par mouvements oculaires). Comme beaucoup de découvertes, celle-ci n’est pas exempte de légendes (judicieusement entretenues d’ailleurs !), qui au fil du temps se sont amplifiées, donnant parfois un caractère romanesque à la chose. Quoi qu’il en soit, cette découverte s’est faite un peu par hasard en 1987. Rien en effet ne prédestinait F. Shapiro à devenir docteure en psychologie et chercheuse au Mental Research Institute de Palo Alto. C’est son cancer qui lui a fait envisager une autre voie. Notamment quand, une fois considérée en rémission, la peur de la rechute l’a conduite à s’enquérir de nouvelles méthodes susceptibles de l’aider à rester en bonne santé.
Une question de regard Un jour, alors qu’elle se promenait dans un parc, elle s’aperçut, en suivant des yeux un vol d’oiseaux et en opérant des mouvements oculaires latéraux, que les pensées négatives qu’elle avait à l’esprit quelques minutes auparavant s’étaient transformées, et que leur charge émotionnelle était devenue moins intense. Si les souvenirs ou les pensées ne disparaissaient pas de sa conscience, c’est bien leur charge émotionnelle négative qui peu à peu semblait s’atténuer, jusqu’à disparaître totalement. Elle appliqua la même expérience à des amis et collègues volontaires. Pour ce faire, ils devaient se remémorer un aspect de leur vie passée (brimades ou humiliations) qui pouvait encore les perturber. Simultanément, ils concentraient leur attention visuelle sur le mouvement de va-et-vient de droite à gauche que F. Shapiro opérait avec ses doigts, en prenant soin de « répliquer » ce qu’elle-même avait vécu dans ce parc quelque temps auparavant.
C’est au début des années 1990, bien que sujette à de nombreuses controverses, que la psychothérapie EMDR s’est beaucoup développée. Grâce à l’accroissement des données empiriques, les formations à l’EMDR se sont peu à peu structurées et se développent partout aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Amérique centrale et Amérique du Sud. Cette psychothérapie a par exemple été reconnue par l’Inserm, la HAS et l’OMS comme un traitement de choix pour la prise en charge de l’état de stress post-traumatique (ESPT) et des troubles réactionnels de manière générale. D’autres recherches montrent un intérêt de la psychothérapie EMDR au-delà de la seule prise en charge de l’ESPT : c’est le cas pour les phobies, le trouble panique, le trouble anxieux généralisé, certains problèmes de comportement et d’estime de soi, le deuil compliqué et traumatique, la dysfonction sexuelle, la douleur chronique et les douleurs du membre fantôme. Mais pourquoi ça marche ? La stimulation bilatérale est l’élément qui a suscité et suscite encore le plus d’attention de la part des cliniciens et chercheurs. Alors que plusieurs théories tentent d’expliquer ses effets, les mécanismes sous-jacents font toujours l’objet d’études. Certaines manifestations physiologiques spécifiques semblent en effet apparaître en lien avec les mouvements des yeux pendant les sessions de traitement EMDR. Le parallèle avec ce qui se passe durant les phases de sommeil paradoxal a très tôt été envisagé et reste à cet égard une piste de compréhension parmi les plus intéressantes. Pour autant, d’autres théories semblent ces derniers temps s’imposer et ouvrir la voie à de nouvelles recherches, comme celle de consolidation/reconsolidation (l’EMDR permettrait une meilleure intégration des souvenirs traumatiques en mémoire à long terme, en diminuant leur caractère intrusif et leur paroxysme émotionnel).
La question de l’efficacité de l’EMDR ne se pose plus, sauf pour ceux qui sont dans la méconnaissance de cette approche et qui pourraient la caricaturer en la réduisant à de simples mouvements oculaires. Guérir en bougeant les yeux… il y a de quoi rire, non ? Pourtant, la littérature scientifique apporte des réponses, et il y a quelque chose de suffisamment convaincant dans cette approche pour fédérer les spécialistes du trauma au niveau mondial. Pour nous chercheurs, il s’agit d’un objet d’évaluation intéressant car si ses effets positifs ne sont plus contestables aujourd’hui, la question des processus en jeu reste à découvrir. D’un point de vue purement scientifique d’ailleurs, l’intérêt est notamment de convoquer des chercheurs d’obédiences et de disciplines différentes (psychologie, neurosciences, médecine) qui trouvent un intérêt commun à travailler autour de cette question.
Nous appartenons néanmoins à ceux qui pensent que la psychothérapie EMDR ne pourra pas se suffire à elle-même, car même si elle remporte des victoires incontestables sur le plan de la clinique, elle reste en construction et manque d’un positionnement théorique clair. Nous nous opposons de fait à ceux qui voient dans cette approche une réponse « magique » susceptible de répondre à tous les maux de leurs patients. Et nous dénonçons ceux qui sont devenus incapables de penser la question de la psychothérapie sans référence à l’EMDR. En fait, ils tombent dans les mêmes travers que ceux qui ont fait du tort à l’EMDR, et qui étaient incapables d’ouverture et de prise de recul, ne voyant le salut de la psychothérapie (et le leur) que dans les modèles dominants comme la psychanalyse ou les TCC. Il ne faudrait pas en effet que l’engouement justifié pour l’EMDR ne se transforme en nouvelle idéologie psychothérapeutique. Rappelons que dans les faits, l’exercice de la psychothérapie est rarement conforme aux cadres annoncés ! Et qu’il est impensable de s’inscrire strictement dans une orientation ou dans l’autre, toujours en totale conformité avec les prescriptions d’application, tout simplement parce que la clinique impose des aménagements, des ajustements et une créativité qu’il est difficile de définir a priori. Dans les faits, les psychothérapeutes seraient par nécessité plus éclectiques que ce qu’ils disent… 

Rédigé le Jeudi 18 Aout 2016 à 17:08 | Lu 807 fois modifié le Jeudi 18 Aout 2016