Le Collège d'Hypnose & Thérapies Intégratives de Paris et l'Institut UTHyL étaient présents au 11e Forum de la CFHTB, à Montpellier.
Retrouvez les interventions des formateurs :
- Intégration des Mouvements Oculaires de type EMDR - IMO en thérapie, dans le cadre du psychotraumatisme. Acte 1
Laurent GROSS
- La première séance, stratégie et outils de thérapie brève orientée solution. Sophie TOURNOUËR
- Dieu est mort, Milton Erickson aussi et moi-même je ne me sens pas très bien : un patient dans tous ses état. Théo CHAUMEIL
- L’hypnose et les thérapies brèves en langue des signes avec les sourds: de l’enthousiasme des débuts au retour à la réalité.Dr Isabelle Bouillevaux
- Revenir à l'essentiel: le corps pour cheminer dans la vie. Jeanne-Marie Jourdren
- Efficacité de l’hypnose pour la prévention de l’anxiété au cours d’une coronarographie :Etude HYPCOR. Dr Nazmine GULER
Retrouvez les interventions des formateurs :
- Intégration des Mouvements Oculaires de type EMDR - IMO en thérapie, dans le cadre du psychotraumatisme. Acte 1
Laurent GROSS
- La première séance, stratégie et outils de thérapie brève orientée solution. Sophie TOURNOUËR
- Dieu est mort, Milton Erickson aussi et moi-même je ne me sens pas très bien : un patient dans tous ses état. Théo CHAUMEIL
- L’hypnose et les thérapies brèves en langue des signes avec les sourds: de l’enthousiasme des débuts au retour à la réalité.Dr Isabelle Bouillevaux
- Revenir à l'essentiel: le corps pour cheminer dans la vie. Jeanne-Marie Jourdren
- Efficacité de l’hypnose pour la prévention de l’anxiété au cours d’une coronarographie :Etude HYPCOR. Dr Nazmine GULER
Comment le Samu utilise l'hypnose pour soulager la douleur - BFM.TV
Afin de moins recourir aux médicaments et d'apaiser les patients, de plus en plus d'équipes du Samu pratiquent l'hypnose. De Lille à Marseille, les médecins suivent des formations où ils apprennent à utiliser le langage pour calmer l'angoisse et la douleur des victimes.
Et si l'hypnose servait la pratique des gestes de secours? C'est le pari de plusieurs équipes du Samu. De Marseille à Lille en passant par Metz et Lyon, les services d’urgences misent sur l’état de conscience altérée des patients pour leur venir en aide.
L’équipe de Lyon utilise l’hypnose "dès que cela est possible, c’est une méthode rapide qui ne prend pas de temps car elle est pratiquée simultanément avec les gestes de secours" explique dans un communiqué Pierre-Yves Gueugniaud, le chef du service du Samu à l’hôpital Edouard Herriot. Le professeur a rapidement cru au potentiel de cette pratique pour soulager les victimes et a ouvert l’accès à une formation pour son équipe.
"Aujourd’hui, il nous reste à former encore plus de soignants pour qu’un grand nombre de nos interventions soit facilité par l’hypnose. Et même les personnes qui répondent au Centre 15 (Assistants de Régulation Médicale) ont intérêt à être formées. C’est avant tout une technique de communication bienveillante et positive avec laquelle il faut utiliser les bons mots et savoir écouter sans interprétation ni jugement", précise-t-il.
Langage hypnotique
Au centre hospitalier d’Epinal, dans les Vosges, le médecin François-Xavier Moronval s’est également lancé dans l’exercice de l’hypnose.
"On nous apprend des techniques de langage hypnotique, comment choisir les bons mots pour s’adresser aux patients et les aider à s’évader, à se concentrer sur autre chose que leur douleur", rapporte-t-il à BFMTV.com.
Le médecin se définit comme un "novice" dans le domaine de l'hypnose, il n’a pour l’instant appliqué cette technique que sur deux patients. Mais il est déjà conquis: "Je suis très terre-à-terre en principe, mais je trouve les effets de l’hypnose remarquables. Par de simples mots, on peut réduire la douleur d’une luxation de l’épaule sans médicament."
Les deux fois où François-Xavier Moronval a eu recours à l’hypnose, il ne l’a pas annoncé expressément.
"Une femme appelle pour des maux de tête, alors je lui propose d’essayer un exercice, ce qu’elle accepte. Elle me dit: ‘J’ai mal à la tête, ça tape comme un marteau'. Je lui demande de quelle couleur elle visualise cet outil. Il est rouge. Je lui propose d’imaginer qu’il prend une couleur qu’elle trouve plus agréable, le vert. Je lui dis ensuite qu’il devient plus léger. Au bout de quelques minutes, sa douleur commence à passer jusqu’à disparaître totalement. Son esprit s’est détaché de la douleur", raconte-t-il.
Une technique qui peut, dans certains cas, permettre de désengorger les urgences: si le problème est réglé par téléphone, pas besoin de déplacer le Samu. François-Xavier Moronval précise toutefois qu’avant d’avoir recours à l’hypnose par téléphone, "on pose les questions nécessaires qui nous permettent d’éliminer les signes de gravités".
"On est à l’aube d’une révolution médicale"
Ce langage positif peut également être utile en cas d’intervention pour une crise de panique, souligne-t-il. La Société française de médecine d’urgence liste les indications pouvant relever de l’hypnose. De la gestion du stress de la personne de l’autre côté du téléphone, jusqu’à la prise en charge de la douleur lors d’un accident de la route, le champ d’application est vaste.
"On se rend compte que l’on pose de moins en moins de cathéters pour injecter des antalgiques" se félicite un infirmier du CHU de Lyon. "De même, notre consommation de morphine diminue. Mais c’est surtout dans l’apaisement des patients que nous voyons notre action." Au Samu de Lyon, 45 personnes ont déjà été formées à l'hypnose, rapporte Europe 1. Au moins 15 de plus le seront avant le fin de l'année.
A Epinal, le projet se développe petit à petit. Pour l’heure, François-Xavier Moronval est le seul médecin du Samu à suivre la formation à l’hypnose. "Ils sont trois aux urgences et un autre médecin au service de pédiatrie." Certain que cette pratique fait partie de l’avenir de la médecine, le responsable du Cesu œuvre pour que la formation se généralise dans "tous les services où l’on souffre". Et de conclure: "On est à l’aube d’une révolution médicale."
Ambre Lepoivre
Et si l'hypnose servait la pratique des gestes de secours? C'est le pari de plusieurs équipes du Samu. De Marseille à Lille en passant par Metz et Lyon, les services d’urgences misent sur l’état de conscience altérée des patients pour leur venir en aide.
L’équipe de Lyon utilise l’hypnose "dès que cela est possible, c’est une méthode rapide qui ne prend pas de temps car elle est pratiquée simultanément avec les gestes de secours" explique dans un communiqué Pierre-Yves Gueugniaud, le chef du service du Samu à l’hôpital Edouard Herriot. Le professeur a rapidement cru au potentiel de cette pratique pour soulager les victimes et a ouvert l’accès à une formation pour son équipe.
"Aujourd’hui, il nous reste à former encore plus de soignants pour qu’un grand nombre de nos interventions soit facilité par l’hypnose. Et même les personnes qui répondent au Centre 15 (Assistants de Régulation Médicale) ont intérêt à être formées. C’est avant tout une technique de communication bienveillante et positive avec laquelle il faut utiliser les bons mots et savoir écouter sans interprétation ni jugement", précise-t-il.
Langage hypnotique
Au centre hospitalier d’Epinal, dans les Vosges, le médecin François-Xavier Moronval s’est également lancé dans l’exercice de l’hypnose.
"On nous apprend des techniques de langage hypnotique, comment choisir les bons mots pour s’adresser aux patients et les aider à s’évader, à se concentrer sur autre chose que leur douleur", rapporte-t-il à BFMTV.com.
Le médecin se définit comme un "novice" dans le domaine de l'hypnose, il n’a pour l’instant appliqué cette technique que sur deux patients. Mais il est déjà conquis: "Je suis très terre-à-terre en principe, mais je trouve les effets de l’hypnose remarquables. Par de simples mots, on peut réduire la douleur d’une luxation de l’épaule sans médicament."
Les deux fois où François-Xavier Moronval a eu recours à l’hypnose, il ne l’a pas annoncé expressément.
"Une femme appelle pour des maux de tête, alors je lui propose d’essayer un exercice, ce qu’elle accepte. Elle me dit: ‘J’ai mal à la tête, ça tape comme un marteau'. Je lui demande de quelle couleur elle visualise cet outil. Il est rouge. Je lui propose d’imaginer qu’il prend une couleur qu’elle trouve plus agréable, le vert. Je lui dis ensuite qu’il devient plus léger. Au bout de quelques minutes, sa douleur commence à passer jusqu’à disparaître totalement. Son esprit s’est détaché de la douleur", raconte-t-il.
Une technique qui peut, dans certains cas, permettre de désengorger les urgences: si le problème est réglé par téléphone, pas besoin de déplacer le Samu. François-Xavier Moronval précise toutefois qu’avant d’avoir recours à l’hypnose par téléphone, "on pose les questions nécessaires qui nous permettent d’éliminer les signes de gravités".
"On est à l’aube d’une révolution médicale"
Ce langage positif peut également être utile en cas d’intervention pour une crise de panique, souligne-t-il. La Société française de médecine d’urgence liste les indications pouvant relever de l’hypnose. De la gestion du stress de la personne de l’autre côté du téléphone, jusqu’à la prise en charge de la douleur lors d’un accident de la route, le champ d’application est vaste.
"On se rend compte que l’on pose de moins en moins de cathéters pour injecter des antalgiques" se félicite un infirmier du CHU de Lyon. "De même, notre consommation de morphine diminue. Mais c’est surtout dans l’apaisement des patients que nous voyons notre action." Au Samu de Lyon, 45 personnes ont déjà été formées à l'hypnose, rapporte Europe 1. Au moins 15 de plus le seront avant le fin de l'année.
A Epinal, le projet se développe petit à petit. Pour l’heure, François-Xavier Moronval est le seul médecin du Samu à suivre la formation à l’hypnose. "Ils sont trois aux urgences et un autre médecin au service de pédiatrie." Certain que cette pratique fait partie de l’avenir de la médecine, le responsable du Cesu œuvre pour que la formation se généralise dans "tous les services où l’on souffre". Et de conclure: "On est à l’aube d’une révolution médicale."
Ambre Lepoivre
Hypnose: "utiliser son imaginaire pour maîtriser la douleur" - Sciences et Avenir
Entretien avec Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste, chef de service en algologie et soins palliatifs au CHU de Liège, chercheuse au Centre d'études de l'hypnose et de la douleur.
Cet article est extrait du hors-série de Sciences et Avenir n°196 (janvier - février 2019) consacré à la manière dont l'esprit peut guérir le corps.
Que se passe-t-il quand notre cerveau expérimente spontanément des états modifiés de conscience ?
Une femme est arrivée aux urgences du CHU de Liège car elle avait été attaquée par un lion dans un parc animalier. Grièvement blessée, elle m'a pourtant raconté qu'elle n'avait rien senti. Le choc émotionnel a été si violent qu'elle a glissé dans un état modifié de conscience, hors de son corps, ayant perdu toute sensibilité, observatrice de ce qu'il se passait ! C'est également ce que peuvent expérimenter les victimes d'enlèvement ou de viol. Ils demeurent figés, immobiles, spectateurs de ce qui leur arrive. Une autre femme m'a raconté avoir réussi à soulever la voiture qui écrasait son fils, trouvant une force extraordinaire. Un père qui avait heurté son fils avec une tondeuse à gazon l'a amené aux urgences, dans un état second, sans se rendre compte qu'il avait lui-même des orteils sectionnés. Tous ces exemples montrent que l'on a la capacité de se protéger lors de cas extrêmes. Une fonction cérébrale sélectionnée par l'évolution pour protéger l'être humain dès que son intégrité physique est menacée.
L’esprit et le corps sont donc bel et bien liés…
Depuis Descartes, on a voulu séparer l'esprit et le corps. Avec cette idée, notamment, que la douleur était purement physique. C'est une ineptie ! L'observation du cerveau par imagerie cérébrale révèle que lorsqu'on cause une douleur (légère !) à un volontaire, les régions des sensations, de l'émotion, du comportement et de la cognition (les pensées) s'activent de concert. Soit les quatre composantes de la douleur. Pour obtenir une modulation des sensations douloureuses, il faut donc travailler sur l'ensemble de ces composantes. La douleur aiguë est un signal d'alarme, que l'on soigne avec des analgésiques. Si elle perdure et devient chronique, des infiltrations, des médicaments voire une opération chirurgicale peuvent soulager, mais il est également indispensable de proposer une approche psychologique et sociale. L'imagerie cérébrale nous a montré que sous hypnose, la connectivité entre les régions de ces quatre composantes était modifiée. Plus précisément, est modulée l'activation d'une zone du cerveau appelée cortex cingulaire antérieur, dont on sait qu'elle est connectée avec la région de l'émotion, du comportement et des pensées. On observe la même réaction avec la méditation. Chez l'être humain, le cerveau a donc une action sur le corps et réciproquement.
Qu’apporte cette connexion dans les cas de douleurs chroniques ?
Se laisser glisser dans un état modifié de conscience permet au patient de constater qu’il peut utiliser son imaginaire pour maîtriser sa douleur. Aujourd’hui, par exemple, j’ai réalisé une séance d’hypnose avec une personne atteinte d’une maladie lupique à l’origine de fortes douleurs articulaires et musculaires, ainsi que d’un état de grande fatigue, comme lors d’une grippe sévère. Nous avons travaillé sur ses douleurs de manière métaphorique. D’abord, en attribuant différentes couleurs à la douleur selon son intensité, qu’elle a placées mentalement sur un schéma du corps. Puis, sous hypnose, elle a imaginé se promener dans la nature et déposer le dessin dans un ruisseau ; elle devait observer les couleurs se diluer. À l’issue de la séance, elle a constaté que son état s’était amélioré. Et découvert qu’elle possédait - en elle-même - des ressources. C’est à ces ressources que nous nous intéressons, en postulant qu’elles peuvent être utilisées pour aller mieux. Nous ne sommes pas dans une logique d’exclusivité, mais de complémentarité. L’idée étant de combiner, avec sagesse, différentes approches.
Pour traiter la douleur, les professionnels de la santé mettent pourtant le plus souvent les médicaments en avant…
Durant nos études de médecine, nous avons été formatés selon l’idée que la solution venait de l’extérieur. Les médicaments, la chirurgie, la technique ont été mises sur un piédestal, et nous avons délaissé cette capacité qu’ont la tête et le corps à collaborer entre eux. C’est dommage. Je pense que le personnel soignant ne cherche pas suffisamment à explorer et mettre en oeuvre les formidables ressources des patients.
Peut-être parce que l’on craint ces techniques, qui peuvent servir des objectifs moins… honnêtes.
Oui, c’est une évidence. En état modifié, le cerveau ne fonctionne pas comme d’habitude. Il perd son esprit critique, sa capacité de raisonnement, de jugement et d’analyse. Le patient est plus suggestible. Or, si les suggestions ne sont pas éthiques ou même contraires à son intérêt, il ne saura pas se défendre. La prudence s’impose. La méthode est efficace, c’est pourquoi il ne faut pas la mettre dans n’importe quelles mains !
Comment ne pas se tromper ?
Un des adages, c’est "faire avec l’hypnose (ou d’autres techniques) ce que l’on peut faire sans". Si je sais recevoir en consultation quelqu’un qui a un problème de douleur, je peux le faire avec ou sans hypnose. Il n’est pas question de s’autoproclamer hypnothérapeute, comme le font trop de "praticiens" ne disposant, hélas, d’aucune formation adaptée (psychologie, médecine). Je conseille au patient de s’informer. Et même avec une formation à l’hypnose, un architecte, un ingénieur ou une puéricultrice ne sauront pas prendre en charge un problème de douleur. Certes, il existe des formations qualifiantes. Cependant, les pratiques psychocorporelles ne sont pas suffisamment encadrées. Je souhaiterais une éthique plus stricte.
Globalement, quel message désirez-vous faire passer ?
Aux soignants, j’aimerais dire : sachez que votre façon de communiquer avec les patients est parfois aussi efficace que des médicaments. Les mots peuvent soigner. Je suis pour une médecine participative fondée sur une relation patient-soignant très puissante, qui parvienne à activer des facteurs de soin très longtemps sous-estimés. Il nous reste pourtant encore beaucoup à découvrir, à explorer. Notamment les processus de conscience chez les malades. Pourquoi un individu se laisse-t-il glisser dans une douleur chronique alors que la douleur ne devrait être qu’un signal d’alarme ? Dans le grand puzzle des processus de conscience, seules quelques pièces sont assemblées.
Cet article est extrait du hors-série de Sciences et Avenir n°196 (janvier - février 2019) consacré à la manière dont l'esprit peut guérir le corps.
Que se passe-t-il quand notre cerveau expérimente spontanément des états modifiés de conscience ?
Une femme est arrivée aux urgences du CHU de Liège car elle avait été attaquée par un lion dans un parc animalier. Grièvement blessée, elle m'a pourtant raconté qu'elle n'avait rien senti. Le choc émotionnel a été si violent qu'elle a glissé dans un état modifié de conscience, hors de son corps, ayant perdu toute sensibilité, observatrice de ce qu'il se passait ! C'est également ce que peuvent expérimenter les victimes d'enlèvement ou de viol. Ils demeurent figés, immobiles, spectateurs de ce qui leur arrive. Une autre femme m'a raconté avoir réussi à soulever la voiture qui écrasait son fils, trouvant une force extraordinaire. Un père qui avait heurté son fils avec une tondeuse à gazon l'a amené aux urgences, dans un état second, sans se rendre compte qu'il avait lui-même des orteils sectionnés. Tous ces exemples montrent que l'on a la capacité de se protéger lors de cas extrêmes. Une fonction cérébrale sélectionnée par l'évolution pour protéger l'être humain dès que son intégrité physique est menacée.
L’esprit et le corps sont donc bel et bien liés…
Depuis Descartes, on a voulu séparer l'esprit et le corps. Avec cette idée, notamment, que la douleur était purement physique. C'est une ineptie ! L'observation du cerveau par imagerie cérébrale révèle que lorsqu'on cause une douleur (légère !) à un volontaire, les régions des sensations, de l'émotion, du comportement et de la cognition (les pensées) s'activent de concert. Soit les quatre composantes de la douleur. Pour obtenir une modulation des sensations douloureuses, il faut donc travailler sur l'ensemble de ces composantes. La douleur aiguë est un signal d'alarme, que l'on soigne avec des analgésiques. Si elle perdure et devient chronique, des infiltrations, des médicaments voire une opération chirurgicale peuvent soulager, mais il est également indispensable de proposer une approche psychologique et sociale. L'imagerie cérébrale nous a montré que sous hypnose, la connectivité entre les régions de ces quatre composantes était modifiée. Plus précisément, est modulée l'activation d'une zone du cerveau appelée cortex cingulaire antérieur, dont on sait qu'elle est connectée avec la région de l'émotion, du comportement et des pensées. On observe la même réaction avec la méditation. Chez l'être humain, le cerveau a donc une action sur le corps et réciproquement.
Qu’apporte cette connexion dans les cas de douleurs chroniques ?
Se laisser glisser dans un état modifié de conscience permet au patient de constater qu’il peut utiliser son imaginaire pour maîtriser sa douleur. Aujourd’hui, par exemple, j’ai réalisé une séance d’hypnose avec une personne atteinte d’une maladie lupique à l’origine de fortes douleurs articulaires et musculaires, ainsi que d’un état de grande fatigue, comme lors d’une grippe sévère. Nous avons travaillé sur ses douleurs de manière métaphorique. D’abord, en attribuant différentes couleurs à la douleur selon son intensité, qu’elle a placées mentalement sur un schéma du corps. Puis, sous hypnose, elle a imaginé se promener dans la nature et déposer le dessin dans un ruisseau ; elle devait observer les couleurs se diluer. À l’issue de la séance, elle a constaté que son état s’était amélioré. Et découvert qu’elle possédait - en elle-même - des ressources. C’est à ces ressources que nous nous intéressons, en postulant qu’elles peuvent être utilisées pour aller mieux. Nous ne sommes pas dans une logique d’exclusivité, mais de complémentarité. L’idée étant de combiner, avec sagesse, différentes approches.
Pour traiter la douleur, les professionnels de la santé mettent pourtant le plus souvent les médicaments en avant…
Durant nos études de médecine, nous avons été formatés selon l’idée que la solution venait de l’extérieur. Les médicaments, la chirurgie, la technique ont été mises sur un piédestal, et nous avons délaissé cette capacité qu’ont la tête et le corps à collaborer entre eux. C’est dommage. Je pense que le personnel soignant ne cherche pas suffisamment à explorer et mettre en oeuvre les formidables ressources des patients.
Peut-être parce que l’on craint ces techniques, qui peuvent servir des objectifs moins… honnêtes.
Oui, c’est une évidence. En état modifié, le cerveau ne fonctionne pas comme d’habitude. Il perd son esprit critique, sa capacité de raisonnement, de jugement et d’analyse. Le patient est plus suggestible. Or, si les suggestions ne sont pas éthiques ou même contraires à son intérêt, il ne saura pas se défendre. La prudence s’impose. La méthode est efficace, c’est pourquoi il ne faut pas la mettre dans n’importe quelles mains !
Comment ne pas se tromper ?
Un des adages, c’est "faire avec l’hypnose (ou d’autres techniques) ce que l’on peut faire sans". Si je sais recevoir en consultation quelqu’un qui a un problème de douleur, je peux le faire avec ou sans hypnose. Il n’est pas question de s’autoproclamer hypnothérapeute, comme le font trop de "praticiens" ne disposant, hélas, d’aucune formation adaptée (psychologie, médecine). Je conseille au patient de s’informer. Et même avec une formation à l’hypnose, un architecte, un ingénieur ou une puéricultrice ne sauront pas prendre en charge un problème de douleur. Certes, il existe des formations qualifiantes. Cependant, les pratiques psychocorporelles ne sont pas suffisamment encadrées. Je souhaiterais une éthique plus stricte.
Globalement, quel message désirez-vous faire passer ?
Aux soignants, j’aimerais dire : sachez que votre façon de communiquer avec les patients est parfois aussi efficace que des médicaments. Les mots peuvent soigner. Je suis pour une médecine participative fondée sur une relation patient-soignant très puissante, qui parvienne à activer des facteurs de soin très longtemps sous-estimés. Il nous reste pourtant encore beaucoup à découvrir, à explorer. Notamment les processus de conscience chez les malades. Pourquoi un individu se laisse-t-il glisser dans une douleur chronique alors que la douleur ne devrait être qu’un signal d’alarme ? Dans le grand puzzle des processus de conscience, seules quelques pièces sont assemblées.
L’étonnant pouvoir de l’hypnose médicale - L’actualité.com
Se faire hypnotiser pour subir un traitement dentaire, pour calmer une douleur chronique ou pour mieux dormir ? C’est possible, et c’est bien moins farfelu qu’on pense. En Europe, l’hypnose a même fait son entrée en salle de chirurgie !
Dans le fauteuil du dentiste pour un traitement de canal urgent il y a deux ans, le psychologue Jacques Desaulniers continuait d’avoir mal malgré les nombreuses doses d’anesthésique qu’on venait de lui injecter. Il s’est plongé en état d’autohypnose et n’a rien senti de toute la durée de l’intervention. La douleur n’est apparue que lorsqu’il est sorti de l’état hypnotique — il le fallait bien pour régler la facture et reprendre la route jusque chez lui. Il a alors pris une bonne dose d’analgésique, exactement ce que l’on recommande au patient quand il « dégèle » après une intervention dentaire !
Jacques Desaulniers a utilisé l’hypnose auprès de patients souffrant de fibromyalgie ou de douleurs chroniques pendant près de 25 ans à l’Hôpital juif de réadaptation de Laval. Aujourd’hui président de la Société québécoise d’hypnose, un regroupement d’environ 250 psychologues, dentistes et médecins formés à cette technique, il souhaite qu’elle gagne en popularité auprès des professionnels de la santé. « C’est efficace pour la plupart des gens et ça ne coûte pas cher », souligne-t-il. Les bénéfices sont nombreux : moins de douleur et d’anxiété, un sommeil plus réparateur, des effets positifs sur l’humeur, etc.
Le 21e Congrès mondial d’hypnose médicale et clinique, qui se tiendra pour la première fois à Montréal, du 22 au 25 août, sera l’occasion d’entendre des sommités du domaine, dont la Belge Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste au Centre hospitalier universitaire de Liège, qui y a recours depuis des années en salle d’opération, et l’Américain David Spiegel, psychiatre à la Faculté de médecine de l’Université Stanford, qui étudie notamment l’effet de l’hypnose sur le stress et la douleur auprès de patients atteints de cancer. Plus d’un millier de participants sont attendus au congrès.
L’hypnose clinique a peu à voir avec celle pratiquée sur scène. Loin de faire des pitreries, une personne sous hypnose dans un contexte médical est si calme qu’elle semble dormir, bien qu’elle soit éveillée et entende la voix du praticien.
J’ai pu expérimenter cet état de conscience modifié, installée dans le fauteuil d’un cabinet de psychologue, guidée par la voix grave de Jacques Desaulniers. Il m’a invitée à respirer très calmement en fixant un point sur le mur devant moi, à détendre tous mes muscles, puis il a compté à rebours en me demandant de fermer les yeux. « Chaque fois que je dirai le mot “maintenant”, vous plongerez dans un état de détente deux fois plus profond. Maintenant, vous plongez dans un état de détente profond. Maintenant… »
Au bout de quelques minutes, j’étais effectivement très détendue, peu consciente de mon corps immobile, mon esprit semblant flotter dans un non-lieu baigné de limbes mauves (chacun son truc !), bien loin du stress de la vie quotidienne.
C’est cet état de bien-être que cherchent à faire naître les thérapeutes et professionnels de la santé, un état où l’on perd la notion du temps, dans lequel l’esprit est complètement absorbé par l’expérience et réceptif aux suggestions.
Les techniques d’imagerie cérébrale lèvent aujourd’hui une partie du voile sur cet état mystérieux : sous hypnose, les zones cérébrales associées à la vision et aux sensations s’activent comme si nous vivions réellement les suggestions. Une sensation de sable chaud sous les pieds à laquelle nous consacrons toute notre attention devient plus convaincante pour le cerveau que la douleur ressentie ailleurs dans le corps.
L’hypnose clinique a peu à voir avec celle de la scène. Loin de faire des pitreries, une personne sous hypnose dans un contexte médical est si calme qu’elle semble dormir, bien qu’elle soit éveillée et entende distinctement la voix du praticien.
Dans l’une de ses nombreuses expériences sur le sujet, le chercheur en neuropsychologie Pierre Rainville, de l’Université de Montréal, a demandé à des volontaires sous hypnose dont la main était plongée dans de l’eau très chaude d’imaginer que l’intensité de leur mal pouvait varier, comme le volume d’une radio. À l’imagerie cérébrale, lorsque le chercheur suggérait de « diminuer le volume » de la douleur, l’activité des régions du cerveau associées à celle-ci s’atténuait.
Au cours d’une autre expérience, le chercheur a invité les participants à interpréter différemment la douleur, en leur laissant entendre que les picotements et les élancements engendreraient un sentiment de bien-être qui se propagerait dans tout leur corps. « Un peu comme lorsque l’on a les pieds très froids et que l’on plonge dans un bain chaud. Au début, ça brûle, mais on sait que c’est un moment à passer avant d’être bien. » Encore une fois, l’effet de ces suggestions était bien visible à l’imagerie cérébrale.
Les psychologues se servent souvent de métaphores auprès de leurs patients souffrant de douleurs chroniques. Jacques Desaulniers leur propose d’imaginer un liquide bleu qui circule dans leur corps pour geler la douleur ou une odeur d’herbe fraîche qui entre par leurs narines pour les apaiser. « Il s’agit de trouver le canal le plus efficace pour la personne, qu’il soit visuel, auditif, kinesthésique, olfactif ou gustatif », dit le psychologue.
La dentiste montréalaise Françoise Agi Spatz demande à ses patients de se plonger dans un souvenir agréable en faisant appel à leurs cinq sens, qu’il s’agisse de l’odeur de la mer ou de la sensation de l’eau sur leur peau. Certains bruits, comme le vrombissement déplaisant de la fraise, peuvent être réinterprétés. À l’amateur de course automobile, elle suggérera qu’il s’agit du moteur d’une formule 1.
La dentiste n’a souvent besoin que du quart de la dose habituelle de produits anesthésiants. « Je fais très attention aux mots que j’utilise, souligne-t-elle. Si je dis : “vous n’aurez pas mal”, le cerveau entend “mal” et la personne ressent davantage la douleur. Je parle plutôt de bien-être, de sécurité », précise la Dre Spatz, qui pratiquait déjà l’hypnose en France avant de s’installer au Québec, il y a 10 ans.
Sous hypnose, les patients perdent souvent la notion du temps. « Certains m’ont déjà demandé quand l’intervention commençait, alors que je venais de la terminer », raconte Françoise Agi Spatz. Elle a récemment soigné une femme dans la quarantaine si terrorisée à l’idée d’avoir des traitements dentaires qu’elle souhaitait les subir sous anesthésie générale. Sa phobie maintenant disparue, cette patiente est retournée sur le fauteuil 12 fois en un an, pour subir toutes les interventions qu’elle avait négligées depuis des années.
Sous hypnose, une sensation de sable chaud sous les pieds à laquelle nous consacrons toute notre attention devient plus convaincante pour le cerveau que la douleur ressentie ailleurs dans le corps.
Au Québec, beaucoup de psychologues utilisent cette approche pour traiter l’anxiété, les dépendances, l’insomnie et plusieurs autres maux. Mais dans l’univers médical et paramédical, les professionnels qui y ont recours sont encore peu nombreux. Il y a bien quelques précurseurs, comme la Dre Nathalie Fiset, qui pratique depuis plus d’une décennie des accouchements sous hypnose, ou le psychologue Sylvain Néron, qui s’en sert pour améliorer le confort des patients lors d’interventions comme une biopsie du sein ou certains traitements de radiothérapie particulièrement douloureux.
Au CHU Sainte-Justine, le psychologue Serge Sultan a formé six infirmières à l’utilisation de la « communication hypnotique », qu’elles emploient lors des multiples prises de sang et ponctions lombaires que subissent les petits patients cancéreux. « Elles suggèrent par exemple à l’enfant que son bras est recouvert d’un gant magique, solide et protecteur, qui le protégera de toute douleur. Elles l’invitent aussi à regarder son bras comme s’il appartenait à quelqu’un d’autre pour se dissocier des sensations désagréables », explique Serge Sultan.
Ces avancées n’ont cependant encore rien à voir avec l’engouement que connaît l’hypnose en Europe, où elle a fait son entrée dans des salles d’opération et des services d’urgence. Au Centre hospitalier Saint-Joseph–Saint-Luc, à Lyon, tout le personnel médical des urgences a suivi une formation en 2014. L’urgentologue Danièle Agi (sœur de Françoise Agi Spatz) la voit comme un outil supplémentaire à son arsenal médico-technique. Son premier patient à en bénéficier, un homme de moins de 30 ans, se tordait de douleur en raison d’une pierre aux reins, même après avoir reçu de la morphine. Il a suffi de quelques minutes à l’urgentologue pour le calmer et le soulager pendant qu’il s’imaginait au restaurant avec ses amis. « J’étais vraiment excitée que cela fonctionne aussi bien ! » se remémore la Dre Agi. Certains médecins de l’équipe l’utilisent régulièrement, au moment de réduire une fracture ou de faire des points de suture, par exemple.
Les anesthésistes belges Fabienne Roelants et Christine Watremez ont été les premières, aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles, à se servir de l’hypnose pour éviter une anesthésie générale aux patients qui doivent subir une mastectomie ou une ablation de la thyroïde, une option choisie par environ le tiers d’entre eux. Sous anesthésie locale, ces derniers sont plongés dans un état hypnotique durant de une à trois heures et demie, selon l’intervention. Tout le matériel nécessaire à une anesthésie générale est à portée de main au cas où, mais elles n’en ont que rarement besoin. « Nous faisons aussi beaucoup de suggestions posthypnotiques pour diminuer les nausées et améliorer l’immunité après l’opération », dit Christine Watremez.
Dans une étude publiée dans la revue scientifique European Journal of Anaesthesiology, ces médecins ont rapporté que la cicatrisation se déroulait mieux après une hypnosédation qu’après une anesthésie générale.
La grande majorité de la population est assez aisément hypnotisable. Des tests standardisés évaluent qu’environ 15 % des gens le sont très facilement et qu’une autre proportion de 15 % le sont plus difficilement. Mais dans un contexte médical, c’est surtout la motivation du patient et l’aptitude du praticien à personnaliser son approche qui assureront le succès de la technique. On ne peut en effet hypnotiser quelqu’un qui ne veut pas l’être.
Plus la motivation de la personne est forte, mieux ça marche. « Dès que l’on accueille le patient, on le baigne dans un langage hypnotique en lui faisant des suggestions de bien-être liées au thème choisi. Au moment de commencer l’intervention, il ne faut en général que cinq minutes et hop ! ils sont partis », dit la Dre Roelants. Outre les classiques souvenirs de voyage, une femme a déjà demandé de faire du planeur et un curé a célébré la messe !
En dehors de certains problèmes psychiatriques, comme avoir déjà fait une psychose, il existe peu de contre-indications. Il est cependant plus prudent de faire appel à un professionnel membre d’un ordre (comme un psychologue, une infirmière ou un dentiste), qui a appris à utiliser ces techniques, plutôt qu’à un hypnothérapeute, l’utilisation de l’hypnose n’étant pas réglementée au Québec.
Jacques Desaulniers prend toujours le temps d’assurer à ses patients qu’ils ne perdront pas la maîtrise d’eux-mêmes. « Il est difficile d’amener quelqu’un à faire un geste qui transgresse ses valeurs et son code personnel de conduite, même en transe hypnotique », dit-il.
Si les artistes hypnotiseurs arrivent à faire monter des spectateurs sur scène, c’est que ces derniers ont envie de jouer le jeu. L’hypnose médicale et clinique a évidemment un tout autre objectif. « C’est simplement une façon d’aider la personne à puiser dans les ressources qu’elle a en elle. »
Catherine Dubé
Dans le fauteuil du dentiste pour un traitement de canal urgent il y a deux ans, le psychologue Jacques Desaulniers continuait d’avoir mal malgré les nombreuses doses d’anesthésique qu’on venait de lui injecter. Il s’est plongé en état d’autohypnose et n’a rien senti de toute la durée de l’intervention. La douleur n’est apparue que lorsqu’il est sorti de l’état hypnotique — il le fallait bien pour régler la facture et reprendre la route jusque chez lui. Il a alors pris une bonne dose d’analgésique, exactement ce que l’on recommande au patient quand il « dégèle » après une intervention dentaire !
Jacques Desaulniers a utilisé l’hypnose auprès de patients souffrant de fibromyalgie ou de douleurs chroniques pendant près de 25 ans à l’Hôpital juif de réadaptation de Laval. Aujourd’hui président de la Société québécoise d’hypnose, un regroupement d’environ 250 psychologues, dentistes et médecins formés à cette technique, il souhaite qu’elle gagne en popularité auprès des professionnels de la santé. « C’est efficace pour la plupart des gens et ça ne coûte pas cher », souligne-t-il. Les bénéfices sont nombreux : moins de douleur et d’anxiété, un sommeil plus réparateur, des effets positifs sur l’humeur, etc.
Le 21e Congrès mondial d’hypnose médicale et clinique, qui se tiendra pour la première fois à Montréal, du 22 au 25 août, sera l’occasion d’entendre des sommités du domaine, dont la Belge Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste au Centre hospitalier universitaire de Liège, qui y a recours depuis des années en salle d’opération, et l’Américain David Spiegel, psychiatre à la Faculté de médecine de l’Université Stanford, qui étudie notamment l’effet de l’hypnose sur le stress et la douleur auprès de patients atteints de cancer. Plus d’un millier de participants sont attendus au congrès.
L’hypnose clinique a peu à voir avec celle pratiquée sur scène. Loin de faire des pitreries, une personne sous hypnose dans un contexte médical est si calme qu’elle semble dormir, bien qu’elle soit éveillée et entende la voix du praticien.
J’ai pu expérimenter cet état de conscience modifié, installée dans le fauteuil d’un cabinet de psychologue, guidée par la voix grave de Jacques Desaulniers. Il m’a invitée à respirer très calmement en fixant un point sur le mur devant moi, à détendre tous mes muscles, puis il a compté à rebours en me demandant de fermer les yeux. « Chaque fois que je dirai le mot “maintenant”, vous plongerez dans un état de détente deux fois plus profond. Maintenant, vous plongez dans un état de détente profond. Maintenant… »
Au bout de quelques minutes, j’étais effectivement très détendue, peu consciente de mon corps immobile, mon esprit semblant flotter dans un non-lieu baigné de limbes mauves (chacun son truc !), bien loin du stress de la vie quotidienne.
C’est cet état de bien-être que cherchent à faire naître les thérapeutes et professionnels de la santé, un état où l’on perd la notion du temps, dans lequel l’esprit est complètement absorbé par l’expérience et réceptif aux suggestions.
Les techniques d’imagerie cérébrale lèvent aujourd’hui une partie du voile sur cet état mystérieux : sous hypnose, les zones cérébrales associées à la vision et aux sensations s’activent comme si nous vivions réellement les suggestions. Une sensation de sable chaud sous les pieds à laquelle nous consacrons toute notre attention devient plus convaincante pour le cerveau que la douleur ressentie ailleurs dans le corps.
L’hypnose clinique a peu à voir avec celle de la scène. Loin de faire des pitreries, une personne sous hypnose dans un contexte médical est si calme qu’elle semble dormir, bien qu’elle soit éveillée et entende distinctement la voix du praticien.
Dans l’une de ses nombreuses expériences sur le sujet, le chercheur en neuropsychologie Pierre Rainville, de l’Université de Montréal, a demandé à des volontaires sous hypnose dont la main était plongée dans de l’eau très chaude d’imaginer que l’intensité de leur mal pouvait varier, comme le volume d’une radio. À l’imagerie cérébrale, lorsque le chercheur suggérait de « diminuer le volume » de la douleur, l’activité des régions du cerveau associées à celle-ci s’atténuait.
Au cours d’une autre expérience, le chercheur a invité les participants à interpréter différemment la douleur, en leur laissant entendre que les picotements et les élancements engendreraient un sentiment de bien-être qui se propagerait dans tout leur corps. « Un peu comme lorsque l’on a les pieds très froids et que l’on plonge dans un bain chaud. Au début, ça brûle, mais on sait que c’est un moment à passer avant d’être bien. » Encore une fois, l’effet de ces suggestions était bien visible à l’imagerie cérébrale.
Les psychologues se servent souvent de métaphores auprès de leurs patients souffrant de douleurs chroniques. Jacques Desaulniers leur propose d’imaginer un liquide bleu qui circule dans leur corps pour geler la douleur ou une odeur d’herbe fraîche qui entre par leurs narines pour les apaiser. « Il s’agit de trouver le canal le plus efficace pour la personne, qu’il soit visuel, auditif, kinesthésique, olfactif ou gustatif », dit le psychologue.
La dentiste montréalaise Françoise Agi Spatz demande à ses patients de se plonger dans un souvenir agréable en faisant appel à leurs cinq sens, qu’il s’agisse de l’odeur de la mer ou de la sensation de l’eau sur leur peau. Certains bruits, comme le vrombissement déplaisant de la fraise, peuvent être réinterprétés. À l’amateur de course automobile, elle suggérera qu’il s’agit du moteur d’une formule 1.
La dentiste n’a souvent besoin que du quart de la dose habituelle de produits anesthésiants. « Je fais très attention aux mots que j’utilise, souligne-t-elle. Si je dis : “vous n’aurez pas mal”, le cerveau entend “mal” et la personne ressent davantage la douleur. Je parle plutôt de bien-être, de sécurité », précise la Dre Spatz, qui pratiquait déjà l’hypnose en France avant de s’installer au Québec, il y a 10 ans.
Sous hypnose, les patients perdent souvent la notion du temps. « Certains m’ont déjà demandé quand l’intervention commençait, alors que je venais de la terminer », raconte Françoise Agi Spatz. Elle a récemment soigné une femme dans la quarantaine si terrorisée à l’idée d’avoir des traitements dentaires qu’elle souhaitait les subir sous anesthésie générale. Sa phobie maintenant disparue, cette patiente est retournée sur le fauteuil 12 fois en un an, pour subir toutes les interventions qu’elle avait négligées depuis des années.
Sous hypnose, une sensation de sable chaud sous les pieds à laquelle nous consacrons toute notre attention devient plus convaincante pour le cerveau que la douleur ressentie ailleurs dans le corps.
Au Québec, beaucoup de psychologues utilisent cette approche pour traiter l’anxiété, les dépendances, l’insomnie et plusieurs autres maux. Mais dans l’univers médical et paramédical, les professionnels qui y ont recours sont encore peu nombreux. Il y a bien quelques précurseurs, comme la Dre Nathalie Fiset, qui pratique depuis plus d’une décennie des accouchements sous hypnose, ou le psychologue Sylvain Néron, qui s’en sert pour améliorer le confort des patients lors d’interventions comme une biopsie du sein ou certains traitements de radiothérapie particulièrement douloureux.
Au CHU Sainte-Justine, le psychologue Serge Sultan a formé six infirmières à l’utilisation de la « communication hypnotique », qu’elles emploient lors des multiples prises de sang et ponctions lombaires que subissent les petits patients cancéreux. « Elles suggèrent par exemple à l’enfant que son bras est recouvert d’un gant magique, solide et protecteur, qui le protégera de toute douleur. Elles l’invitent aussi à regarder son bras comme s’il appartenait à quelqu’un d’autre pour se dissocier des sensations désagréables », explique Serge Sultan.
Ces avancées n’ont cependant encore rien à voir avec l’engouement que connaît l’hypnose en Europe, où elle a fait son entrée dans des salles d’opération et des services d’urgence. Au Centre hospitalier Saint-Joseph–Saint-Luc, à Lyon, tout le personnel médical des urgences a suivi une formation en 2014. L’urgentologue Danièle Agi (sœur de Françoise Agi Spatz) la voit comme un outil supplémentaire à son arsenal médico-technique. Son premier patient à en bénéficier, un homme de moins de 30 ans, se tordait de douleur en raison d’une pierre aux reins, même après avoir reçu de la morphine. Il a suffi de quelques minutes à l’urgentologue pour le calmer et le soulager pendant qu’il s’imaginait au restaurant avec ses amis. « J’étais vraiment excitée que cela fonctionne aussi bien ! » se remémore la Dre Agi. Certains médecins de l’équipe l’utilisent régulièrement, au moment de réduire une fracture ou de faire des points de suture, par exemple.
Les anesthésistes belges Fabienne Roelants et Christine Watremez ont été les premières, aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles, à se servir de l’hypnose pour éviter une anesthésie générale aux patients qui doivent subir une mastectomie ou une ablation de la thyroïde, une option choisie par environ le tiers d’entre eux. Sous anesthésie locale, ces derniers sont plongés dans un état hypnotique durant de une à trois heures et demie, selon l’intervention. Tout le matériel nécessaire à une anesthésie générale est à portée de main au cas où, mais elles n’en ont que rarement besoin. « Nous faisons aussi beaucoup de suggestions posthypnotiques pour diminuer les nausées et améliorer l’immunité après l’opération », dit Christine Watremez.
Dans une étude publiée dans la revue scientifique European Journal of Anaesthesiology, ces médecins ont rapporté que la cicatrisation se déroulait mieux après une hypnosédation qu’après une anesthésie générale.
La grande majorité de la population est assez aisément hypnotisable. Des tests standardisés évaluent qu’environ 15 % des gens le sont très facilement et qu’une autre proportion de 15 % le sont plus difficilement. Mais dans un contexte médical, c’est surtout la motivation du patient et l’aptitude du praticien à personnaliser son approche qui assureront le succès de la technique. On ne peut en effet hypnotiser quelqu’un qui ne veut pas l’être.
Plus la motivation de la personne est forte, mieux ça marche. « Dès que l’on accueille le patient, on le baigne dans un langage hypnotique en lui faisant des suggestions de bien-être liées au thème choisi. Au moment de commencer l’intervention, il ne faut en général que cinq minutes et hop ! ils sont partis », dit la Dre Roelants. Outre les classiques souvenirs de voyage, une femme a déjà demandé de faire du planeur et un curé a célébré la messe !
En dehors de certains problèmes psychiatriques, comme avoir déjà fait une psychose, il existe peu de contre-indications. Il est cependant plus prudent de faire appel à un professionnel membre d’un ordre (comme un psychologue, une infirmière ou un dentiste), qui a appris à utiliser ces techniques, plutôt qu’à un hypnothérapeute, l’utilisation de l’hypnose n’étant pas réglementée au Québec.
Jacques Desaulniers prend toujours le temps d’assurer à ses patients qu’ils ne perdront pas la maîtrise d’eux-mêmes. « Il est difficile d’amener quelqu’un à faire un geste qui transgresse ses valeurs et son code personnel de conduite, même en transe hypnotique », dit-il.
Si les artistes hypnotiseurs arrivent à faire monter des spectateurs sur scène, c’est que ces derniers ont envie de jouer le jeu. L’hypnose médicale et clinique a évidemment un tout autre objectif. « C’est simplement une façon d’aider la personne à puiser dans les ressources qu’elle a en elle. »
Catherine Dubé